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Citation de Charybde2


Le capitaine Vertu, nous confia un jour le lieutenant Blanc qui avait servi sous ses ordres pendant près de dix ans, croyait en quelque sorte que chaque enquête qu’elle devait résoudre était la pièce d’un puzzle, et qu’une fois toutes les enquêtes résolues elle obtiendrait une forme de réponse, une image claire et précise de trafics en apparence disparates et pourtant tous liés, une radiographie profonde du mal, qui lui dirait comment poursuivre la lutte, qui lui permettrait d’atteindre ce qui devait être son horizon ultime et inaccessible, le démantèlement des réseaux en cours et à venir, la chute définitive de ceux qui se trouvaient au sommet des hiérarchies multiples et ramifiées du crime.
Sans doute, l’image n’apparaîtrait jamais, la tâche était infinie, mais c’était ainsi. Il fallait bien un horizon pour ne pas se perdre complètement, ne pas céder au découragement ; ainsi, pour le dire simplement : Vertu luttait. C’était là son unique mouvement, qui lui tenait lieu de trait de caractère. Elle avait choisi son terrain de lutte, non pas les pulsions individuelles, les souillures de l’âme, les déviances et les perversions, les crimes passionnels ou crapuleux, le sang, le sperme et la sueur, mais, parce qu’il lui avait semblé que c’était le ressort d’une noirceur systématique et organisée qu’il était donc possible de contrer systématiquement, l’argent.
Petite femme sans grâce aux cheveux filasse attachés en une queue-de-cheval qui semblait toujours sur le point de devoir se défaire et qui pourtant tenait, elle avait en outre le don de passer absolument inaperçue.
Alors qu’ils étaient un jour sur le point d’appréhender un homme dangereux, nerveux et imprévisible, et qui, prétendait-il, flairait les flics comme un porc sent la truffe, elle était entrée, seule, dans le bar où il buvait un verre, s’était assise au comptoir, juste à côté de lui qui, le dos tourné, poursuivait la conversation en cours. Elle avait commandé à boire, sans que personne lui adresse un regard, s’était approchée plus près encore de sa proie et, dans un murmure, lui avait demandé de la suivre, lui disant qu’il était cerné, qu’elle était armée, qu’il était inutile d’essayer de fuir. Il l’avait suivie, docile, avec cet air qu’ils avaient tous avec elle lorsqu’ils se faisaient prendre : un air de grande détente et de lassitude, comme si enfin ils avaient trouvé quelque chose ou quelqu’un auprès de qui se reposer, une personne de confiance, avec qui toute comédie était vaine, inutile, pas seulement parce que Vertu n’était pas dupe, mais surtout parce qu’elle les voyait tels qu’ils étaient et que, d’une certaine manière, eux aussi pouvaient se reconnaître en elle.
Évidemment, on ne se l’expliquait pas.
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