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Citation de Charybde2


Énervée et dégoulinante, recouverte de cette mue liquide et pestilentielle de la défaite, je rêve de combustions, de combustions toujours plus vives tandis que je fixe la tête osseuse du ventilateur qui me dit non avec un calme déprimant et mécanique. Non, non, non, dit-il en m’envoyant par bouffées son haleine tiède pleine des moiteurs de l’appartement. Que je me consume avec tout le cosmos. Moi, je ne voudrais toujours rien de moins que l’ergol enflammé des fusées quand je n’ai dans la bouche et dans le crâne qu’une pâte amère de quoi vomir l’univers.
Voilà ce que je suis, toujours une enfant, toujours à recommencer cette vie de ratée, je suis une de ces petites rates attardées d’un pixel de large que bouffe le Cobra désir, voilà, à devoir me contenter des souffles lents des fiascos amenés par la tête débile d’un ventilateur produit à l’autre bout du monde.
Je dois me contenter de ça, de cette vie perdue et jamais récupérée, sans aucun bonus ni cheatcode pour m’enfuir d’ici. L’appartement est sans climatisation et je crois qu’il ne l’aura jamais, même dans un futur lointain, même dans des mondes parallèles. J’attends un futur lointain avec une patience de bête le vent sauvage de la gueule d’Artémis venu depuis les noirceurs du fin fond de l’espace. Mais ici c’est toujours l’été, l’été de béton, moi-même enfermée dans un de ces fours empilés les uns sur les autres, à attendre qu’on fasse des cendres à l’intérieur de ces cimetières verticaux, et qui sont plutôt, si tu veux mon avis, des boîtes de Pétri abandonnées, à ciel ouvert, bientôt recouverts d’un océan d’étoiles de moisissure faite de la transpiration de chaque chose, de nous-mêmes et du monde.
J’ai besoin de la fraîcheur d’un autre monde. La porte du frigidaire m’ouvre cet autre monde. Je regarde à l’intérieur comme d’autres regardent un tableau au musée, je m’aperçois. Une hypnose au Fréon. Un tableau froid. Un miroir aux natures mortes hypermodernes. Non, même pas. Je referme la porte. Je la rouvre. Je respire avec ces poumons artificiels que j’actionne. Peut-être. Parce que je sens qu’il y a quelque chose d’aussi inexplicable que l’espoir. Quelque chose, je ne sais pas, aussi simple qu’une idée, oui, une idée qui a besoin du froid pour s’ouvrir, contenue dans l’obscurité et apparaissant au moment où j’ouvre le frigo et disparaissant du même mouvement.
Je voudrais tout virer à l’intérieur et m’installer dans ces ténèbres glacées jusqu’à me momifier dans ce froid. J’écoute la ventouse se fixer et se détacher avec le bruit des grosses berlines polluant le monde entier. J’ouvre et je ferme. Le monde meurt, je ferme les yeux. J’ai un peu moins chaud.
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