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Citation de Charybde2


« Je n’ai pas bien compris, dit Paul Kosloff. Son chef de service était mal à l’aise. Cela se voyait à la façon dont il frotta brusquement une allumette de cuisine sur le dessous de son bureau pour allumer le brûle-gueule de bruyère qu’il tenait entre les dents. Il éteignit l’allumette et la laissa tomber dans le vide-ordures.
– Vous m’avez entendu, Paul, dit-il. Nous vous retirons des affaires en ce qui concerne l’Ensemble soviétique. »
Paul Kosloff le regarda longtemps, avec attention, sans parler. Son chef, embarrassé, reprit la parole :
– Paul, à notre époque de détente entre les États-Unis d’Amérique et l’Ensemble soviétique, vous constituez un véritable fauteur de troubles. Actuellement, nous ne voulons en aucun cas d’une nouvelle affaire U-2.
– U-2 ?
– Ne faites pas attention. Cela se passait, je crois, avant votre époque. Voici comment se présentent les choses : vos méthodes d’action ne contribuent pas, si je puis dire, à la détente dans les relations internationales. Je vais vous parler brutalement, Paul. En deux mots, j’ai reçu en haut lieu des ordres à votre sujet. Notre service doit absolument éviter tout acte susceptible de provoquer des difficultés avec l’Ensemble soviétique.
– Ce qui veut dire, je pense, que nous allons abandonner toutes nos activités derrière le Rideau de Fer ?
– Non, naturellement, laissa échapper l’autre. Nous n’allons pas mettre fin à toutes nos activités. Tant que celles-ci resteront discrètes, nous pouvons poursuivre nos activités d’espionnage et de contre-espionnage, mais sans troubler les bonnes relations internationales. Nous ne désirons qu’une chose, éviter que des têtes brûlées aillent agiter la vase et provoquer des remous.
Le regard de Paul Kosloff resta froid, impassible, quand il répondit :
– Je suis votre meilleur agent pour l’Ensemble soviétique.
Son chef laissa passer une longue bouffée de fumée par les narines avant de répliquer :
– Vous ai-je dit le contraire ? Vous êtes aussi l’agent qui a pris de lui-même l’initiative de faire sauter la société d’exploitation du Komsomolsk. Et aussi celui…
– J’ai été félicité par le président, en privé, pour…
– Celui qui a capturé Raùl Lopez, au Nicaragua, selon les ordres reçus, mais qui ne l’a pas ramené avec lui aux fins d’interrogatoire comme le prévoyaient les ordres.
Paul Kosloff se dandina légèrement sur sa chaise.
– Il a essayé de s’échapper.
– J’ai toujours eu des doutes sur cette tentative d’évasion, répondit doucement son interlocuteur.
– Je l’ai interrogé, dit Paul Kosloff. J’ai obtenu tous les renseignements possibles, tous les agents qu’ils avaient à Managua…
Le chef le regarda pensivement tout en tirant sur son brûle-gueule.
Paul Kosloff dit alors :
– C’était bien un agent communiste, non ?
Le chef laissa échapper un nouveau soupir.
– Nous nous séparons de vous, Paul. Vous recevrez une nouvelle affectation. Prenez deux semaines de repos, vous y avez droit. Après cela, si vous désirez continuer à travailler pour le service, vous n’avez qu’à venir au rapport.
Paul Kosloff se leva et regarda de haut l’homme qui, en contrebas, évitait soigneusement son regard et feignait de s’occuper de divers rapports étalés sur son bureau.
– Alors, c’est sans appel ?
L’autre ne répondit pas ; il préféra prendre une nouvelle allumette, sans lever les yeux. Paul Kosloff fit demi-tour et se dirigea vers la porte.
Pendant tout ce temps, de l’autre côté de la pièce, un secrétaire faisait semblant de travailler sans manifester le moindre intérêt.
Le chef lui adressa la parole dès que son agent fut parti :
– Cette foutue renommée lui est montée à la tête, au Lawrence d’Arabie de la guerre froide !
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