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Critiques de Manuel Aguirre (3)
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Une balle dans le front

De son passé de militaire péruvien à la frontière bolivienne, l'auteur tire ces quelques nouvelles empreintes de nostalgie. Mort, blessures, sont le lot duquel il s'inspire. C'est plutôt sombre et pessimiste et, même si c'est bien écrit, l'ensemble est quand même répétitif.
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Une balle dans le front

Un bon roman rempli de douleur, de guerres, très bien écrit et court ce qui le rend plus intense
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Une balle dans le front

http://www.liberation.fr/livres/01012297499-aguirre-la-colere-du-diable



"Liberation.fr" 21/10/2010



LIVRES 21/10/2010 À 00H00



Aguirre, la colère du diable

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Par MATHIEU LINDON





Manuel Aguirre

Une balle dans le front

Traduit de l’espagnol (Pérou) par Marie Jammot. Les Fondeurs de briques, 128 pp., 15 €.



Ça se passe côté péruvien à la frontière péruvo-bolivienne après 1956, quand les Boliviens se sont approprié un bout de territoire indu. Un sous-lieutenant est sur place. «Les habitants du village ont informé l’officier de cavalerie qu’au-delà de la ligne frontalière, les Boliviens se déplacent généralement armés, canardent dans tous les sens, sans penser plus loin que leurs actes.» C’est de cet analphabétisme particulier, au-delà du plus conventionnel qui fait qu’un seul de ces Indiens parle castillan, qu’il sera question dans les onze textes d’Une balle dans le front qui constituent aussi bien un recueil de nouvelles qu’un bref roman dont le sous-lieutenant, à force d’être présent en permanence, devient le personnage principal. Car le sous-lieutenant ne va pas pouvoir faire autrement que penser plus loin que ses actes. C’est comme s’il était perpétuellement attaqué à part égale par son état physique et son état psychologique. «Une rafale de peur le fait alors tressaillir de la tête aux pieds» : telle est la description de son réveil dès le premier paragraphe du livre, juste avant qu’il ne soit défini comme «prisonnier de cet état de nerfs». Dix pages plus loin, après des coups de feu, il fait l’appel de ses hommes pour s’assurer que tous sont vivants (il a plus peur pour eux que pour lui), puis enfin de l’Indien si heureux qui manie le castillan. Celui-ci ne se relève pas. «Après l’avoir plusieurs fois appelé à voix haute en vain, il sentit un froid immense pénétrer par son nombril, se disperser vers le bas, à l’intérieur des testicules, puis remonter vers le haut, au creux de l’estomac, se diriger vers la trachée puis la gorge pour la serrer et provoquer une douleur à mi-chemin entre le sanglot étranglé et la pharyngite.» Le sous-lieutenant ne peut pas faire autrement que penser plus loin même que les actes des autres.



Manuel Aguirre, dont Une balle dans le front est, sauf erreur, le premier livre traduit en français, est né dans le sud du Pérou en 1940. Les Fondeurs de briques (l’éditeur) disent le lien biographique entre le sous-lieutenant et son créateur que sa famille a poussé jeune homme à se présenter à l’école militaire et qui obtint un poste sur les bords du lac Titicaca, à la frontière bolivienne : «Administrateur d’une hacienda appartenant à l’armée, il est alors plongé au cœur de la misère et de l’exploitation.» Le destin littéraire de Manuel Aguirre est particulier. Après la publication d’un recueil de poèmes en 1972, il entreprend l’écriture d’un roman de 1 800 pages qu’il achève en 1999. Ce qui pourrait apparaître comme l’œuvre de sa vie, aucun éditeur n’en veut. Alors il redécoupe le texte autrement et, du roman-fleuve originel, est publié en 2006 Une balle dans le front dont la brièveté forcenée d’écriture ne laisse pas découvrir l’étrange parcours. Il y a cependant une telle densité narrative et psychologique dans le livre qu’on peut soupçonner qu’il a fallu beaucoup de pages pour faire chacune de celles qu’on lit où se mêlent tant d’angoisses diverses qui se rejoignent immanquablement dans l’esprit et le corps du sous-lieutenant. «"L’art de la guerre, les bruits fracassants et les dommages physiques cohabitent étroitement dans le même espace conceptuel", pensa le jeune militaire en se passant la main sur le bas-ventre, comme s’il palpait une blessure, et il se mit à tressaillir légèrement, en fermant les yeux.» «Il était terriblement lucide sur l’isolement presque total dans lequel lui et ses hommes se trouvaient», est-il écrit plus loin.



S’il en arrive à ne plus croire en Dieu, le sous-lieutenant est bien forcé de croire au diable, du moins en son fils, celui «que beaucoup prenaient pour le démon incarné». De fait, c’est ainsi que se présente celui qui se révèle son ennemi, même s’il faudra attendre les dernières pages pour comprendre avec quelle envergure, quelle nécessité, et depuis quand. Le sous-lieutenant doit en permanence raccrocher à lui sa double vie, celle parmi les Indiens et celle parmi les militaires, lui qui aura la courageuse bienveillance de tuer un général au whisky, qu’un de ses hommes appelle «papa» mais qu’un «sorcier» protecteur a tenté de «modeler à sa volonté». A quel point il a été blessé, et pas qu’à la jambe, au cours de sa vie, peut-être que lui-même ne le sait pas. Ou peut-être qu’il l’a appris lorsque, après une guérison, il dit : «Satan ne peut plus m’effrayer. Désormais, c’est lui qui ne pourra plus dormir tranquille.»Une balle dans le front est un texte d’une fascinante brutalité, comme s’il n’y avait que par une violence plus forte encore qu’on pouvait venir à bout de la violence de ses propres émotions. Après une dédicace à son père «mort en paix, à la suite d’intenses souffrances», Manuel Aguirre place en épigraphe du livre une phrase plus humoristique, quoiqu’elle n’élimine rien des désastres que la vie entraîne sur tous les fronts : «Seigneur, oxyde mes fourchettes et mes médailles, creuse des caries dans mes molaires, mon coiffeur puisse-t-il perdre la tête, et les serviteurs mourir dans leur lit de bois, mais délivre-moi du diable.»



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