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Citation de Henri-l-oiseleur


De manière remarquable, les plus anciens travaux scientifiques babyloniens, et donc les plus anciens au monde, furent lexicographiques : des listes de mots. J'emploie le mot "remarquable" car le caractère extraordinaire de ces travaux semble ignoré, non seulement des spécialistes d'histoire générale de la réflexion linguistique, mais même des assyriologues spécialisés dans l'étude des listes lexicales. Aucune autre civilisation ancienne n'a élaboré de lexicographie au moment même où elle inventait l'écriture, et pendant toute l'antiquité, en dehors de la Babylonie, l'activité lexicographique resta balbutiante... En Egypte, où l'écriture naquit peu après la Mésopotamie, les listes lexicales étaient extrêmement rares et ne furent composées que bien longtemps après l'invention de l'écriture ; l'exemple le plus ancien remonte aux XIX° ou XVIII°s av. J.C... La Grèce ancienne ne développa de lexicographie qu'à l'époque hellénistique, et ce n'est qu'à la fin du I°s av.J.C. que le grammairien romain Marcus Valerius Flaccus composa une liste importante (très mal conservée aujourd'hui)... En Chine, où le système d'écriture partage avec Babylone des caractéristiques communes, les premiers répertoires de mots, l'Erya (maintenant disparue) datent du III°s av. J.C. ou peu après...

Les listes lexicales les plus anciennes venues de Babylonie et parvenues jusqu'à nous n'ont pas cherché à compiler l'intégralité des mots employés à l'écrit, mais certainement vers le début du II°s millénaire av. J.C. les collections lexicales étaient gigantesques et semblent avoir tenté de répertorier tous les mots de la langue sumérienne. Personne n'a tenté de calculer le nombre total des entrées préservées à tel moment de l'histoire de ce corpus. Il y en a probablement des dizaines de milliers, des mots les plus communs et les plus simples, comme "eau" ("a"), jusqu'aux mots composés rares, comme "ki-ta-gneshtu-gnu", "le lobe de mon oreille". De plus, les compilateurs allèrent jusqu'à fabriquer des mots imaginaires sans aucune utilité pratique, qu'on ne retrouve que dans ce type de textes . Cet exercice définit bien la relation babylonienne au langage écrit et à la réalité.

pp. 36-37

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