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Citation de Aproposdelivres


Lorsque la Citroën reprit la route, il n'était plus question de rentrer le plus vite possible à la maison pour se glisser sous l'édredon. L'auto qui se dirigeait vers le petit port de débarquement était conduite par un homme qui réfléchissait fiévreusement à des solutions pratiques. A ses côtés, une jeune femme qui, répétons-le, n'était pas du tout à sa place. Elle aussi pourtant ressentait l'atmosphère étrange, intense, l'approche du danger, ce moment où les gens savent qu'ils doivent agir. Après trois ou quatre minutes, la digue apparut, comme une bosse se détachant sous la lumière de la lune. Lorsqu'on prenait à gauche, ici, on était à moins d'un kilomètre du port de débarquement – un simple ponton, dont l'accès par le quai, conformément aux prescriptions en cas de crue, devait être fermé par les vannes.

Mais l'auto freina et stoppa. L'instant d'après, Simon Cau courait, courbé, vers la digue, essayant de grimper à quatre pattes jusqu'au sommet. Ça semblait une gageure. Que voulait-il faire, agrippé aux herbes folles de cette misérable digue, construite en raidillon pour des raisons budgétaires ? Retombant chaque fois dans le réseau de taupinières inondées qui minait la construction de l'intérieur, il parvint néanmoins jusqu'au sommet. Impossible de se tenir debout, face à l'ouragan, sur une corniche bombée et étroite d'un demi-mètre à peine. Cau s'allongea sur le sol, tenant à deux mains sa casquette, et leva sa tête trempée par l'eau qui éclaboussait tout. Quelles visions apocalyptiques eut-il alors ? Des choses improbables dans un décor improbable ? Simon Cau respirait péniblement. En vérité, ce qu'il voyait à hauteur des yeux, à l'infini, c'était une masse d'eau qui montait en roulant ses vagues.

Lidy aussi était descendue. Elle se tenait là, à côté du talus, dont les entrailles produisaient un grondement tellement sonore qu'il couvrait le vent. Elle y prêta l'oreille un moment, sans savoir ce qu'elle écoutait. Ce remblai de sable recouvert d'une mince couche d'argile marin, après toutes ces années de flots déferlants, n'était plus bon à rien. Sur la crête vraiment très fragile, quelques murets, construits après l'inondation de 1906, présentaient quelques ouvertures pour les moutons. Le côté intérieur était déjà alors tellement poreux que c'est par miracle qu'il tint une heure et demie, cette nuit-là, avant de se déchirer sous l'énorme pression hydraulique s'exerçant de l'autre côté et de s'effondrer dans le fossé. Le côté extérieur excavé parvint à retenir la mer durant un quart d'heure, avant de se rompre définitivement.

Lidy dépêtra ses pieds de la boue et retourna en courant vers la voiture. Même sur la route en dur, on pouvait sentir la terre tressaillir.

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