Me voilà repartie pour une nuit d’insomnie.
Au fil des ans, j’ai pris l’habitude de me relever. Au début, je ne le faisais pas. Je restais au lit, me rejetais d’un côté puis de l’autre en écoutant sonner l’horloge. Ce qui est curieux, bien entendu. Tu voudrais entrer dans les heures innombrables, dans cet espace immense où la mesure du temps survient tout au plus en guise de plaisanterie, mais que fais-tu, tu marmonnes : « Une, deux, trois déjà, nom de Dieu ! » et, par vent d’est, tu entends quelques secondes plus tard le verdict confirmé. Le coup grêle du clocher de l’église du village. Pas le son d’une horloge, mais celui d’une cloche. Souvent, j’écoutais les trains aussi. Et j’étais frappée par le fait que toute la création pouvait se tenir immobile, les transports nocturnes continuaient sans interruption. Résignée ou en panique, je sentais le tremblement approcher, avant même le grondement des roues, enfler à travers champs et fossés, et finir par atteindre le miroir sur la commode, qui se mettait à vibrer de manière insupportable. Que fallait-il acheminer en si grand secret dans le paysage silencieux ?