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Citation de Anais31


Christine

Une étoile d'or là-bas illumine
Le bleu de la nuit, derrière les monts.
La lune blanchit la verte colline:
-Pourquoi pleures-tu, petite Christine ?
Il est tard, dormons.

-Mon fiancé dort sous la noire terre,
Dans la froide tombe il rêve de nous.
Laisse-moi pleurer, ma peine amère
Laisse-moi gémir et veiller, ma mère:
Les pleurs me sont doux

La mère repose, et Christine pleure,
Immobile auprès de l'âtre noirci.
Au long tintement de la douzième heure,
Un doigt léger frappe à l'humble demeure:
-Qui donc, vient ici ?

-Tire le verrou, Christine, ouvre vite:
C'est ton jeune ami, c'est ton fiancé.
Un suaire étroit à ma peine m'abrite;
J'ai quitté pour toi, ma chère petite,
Mon tombeau glacé.

Et cœur contre cœur tous deux ils s'unissent.
Chaque baiser dure une éternité:
Les baisers d'amour jamais ne finissent.
Ils causent longtemps, mais les heures glissent.
Le coq a chanté.

Le coq a chanté, voici l'aube claire
L'étoile s'éteint, le ciel est d'argent.
-Adieu, mon amour, souviens-toi, ma chère !
Les morts vont rentrer dans la noire terre,
Jusqu'au jugement

-O mon fiancé, souffre-tu, dit-elle,
Quand le vent d'hiver gémit dans les bois,
Quand la froide pluie aux tombeaux ruisselle ?
Pauvre ami, couché dans l'ombre éternelle;
Entends-tu ma voix ?

-Au rire joyeux de ta lèvre rose,
Mieux qu'au soleil d'or le pré rougissant,
Mon cercueil s'emplit de feuille de rose;
Mais tes pleurs amers dans ma tombe close
Font pleuvoir du sang.

Ne pleure jamais ! Ici-bas tout cesse,
Mais le vrai bonheur nous attend au ciel.
Si tu m'as aimé, garde ma promesse;
Dieu nous rendra tout, amour et jeunesse
Au jour éternel.

-Non ! je t'ai donné ma foi virginal;
Pour me suivre aussi, ne mourrais-tu pas ?
Non ! Je veux dormir ma nuit nuptial,
Blanche, à tes cotés, sous la mousse humide
La longue foret.

Voici les pins noirs du vieux cimetière.
-Adieu, quitte-moi, reprends ton chemin;
Mon unique amour, entends ma prière !
Mais elle au tombeau descend la première,
Elle lui tend la main.

Et depuis ce jour, sous la croix de cuivre,
Dans la même tombe ils dorment tous deux.
O sommeil divin dont le charme enivre !
Ils aiment toujours. Heureux qui peut vivre
Et mourir comme eux.

Charles-Marie Leconte de Lisle

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