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Savoir que la chair est cette pâte à pétrir
Que le sang à fleur de peau rosit la tendresse du
monde
Circuler dans l'intérieur
Jusqu'à l'intimité cellulaire
La chair n'est plus triste
Planètes que le désir satellise
Au tréfonds de la vie
Le mystère du sexe
Fait éclater le temps
Voyager en chair
Dans les bruits intérieurs
Dans l'aisance des muscles
Dans le confort des gestes
Ô le grand gel du souvenir.
Cette eau glacée à la margelle
De la vie exigeante,
On en croyait tout connaître.
Pourtant, chaque année apportait
Son lot de nouveaux deuils.
Cruauté du grand âge,
Tous ces amis perdus,
Leur survivre est blessure.
Inéluctable marche
D’ultime vérité.
Toi la première et la dernière
Je te recommence patiemment
Toi perdue et retrouvée
Détruite et reformée
Toujours la même
Me voici
Lucide et heureux
Devant dette glèbe
Cette argile fertile
Te pétrir
Te lisser
Te polir
Te reconnaître enfin
Te finir
Me voici
Devant ce val délicatement veiné
À la naissance d’un fleuve d’ombre et de feu
Estuaire au limon de vie
Devant ces meules lourdes de louanges
Cette fête de courbes
Ce langoureux ballet
Paysage pour la grande faim
Du dehors et du dedans
Me voici
Après une longue errance
Aux confins de toute une flore
D’algues et de mousses
Depuis toujours je te connais
Inventée avant de te toucher
Faite pour que je te révèle
Ce que tu es