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Citation de Charybde2


Les portes du lobby se sont ouvertes. Des militaires en uniforme, tous habillés en vert, sont entrés. C’était déconcertant – des militaires de l’armée américaine, en uniforme, dans une capitale européenne : une image en couleurs, et non en noir et blanc. Bien que les responsables des forces armées se déplacent souvent en civil quand ils ne sont pas dans les zones de guerre, ils sortent le grand jeu quand ils sont en représentation officielle. Un pantalon et une veste vert foncé, la veste ornée de boutons dorés, d’insignes de toutes les couleurs et de passants d’épaule, un kaléidoscope indéchiffrable de médailles, en signe de récompenses d’un autre âge – de minuscules parachutes et fusils argentés, un arc-en-ciel de rubans honorifiques. J’ai reconnu le général McChrystal à ses quatre étoiles sur ses passants d’épaule.
Comme décrit dans les coupures de presse, il est sec et mince. Ses yeux bleu ardoise, au regard perçant, ont cette faculté flippante de lire dans vos pensées, tout particulièrement si vous merdez ou si vous dites quelque chose d’idiot. Il m’a fait penser à Christian Bale dans Rescue Dawn, si Bale avait passé quelques années de plus en captivité quand il avait été fait prisonnier au Laos par les troupes du Viêt-Cong. McChrystal est unique, le premier soldat des Forces spéciales à avoir pris le commandement d’une opération d’aussi grande envergure. On appelle les gars des Forces spéciales comme lui des « bouffeurs de serpents ». C’est supposé être un compliment.
Pendant cinq ans, McChrystal avait été le tueur / chasseur américain numéro 1, responsable de la mort de centaines d’ennemis, que ce soit des terroristes ou des civils. Il avait supervisé un réseau de camps de prisonniers en Irak où les détenus étaient torturés – laissés dehors dans le froid, nus, couverts de boue et, à l’occasion, battus. On lui a attribué le mérite d’avoir eu la tête de l’un des plus grands chefs terroristes islamistes de l’époque, Abou Moussab Al-Zarqaoui. Zarqaoui avait été tué lors d’un raid aérien à l’été 2006, près de Bakouba en Irak. L’équipe de McChrystal n’avait eu de cesse de le traquer. « Si nous n’attrapons pas Zarqaoui, nous aurons échoué », avait-il dit à ses hommes un an auparavant. Après que cette attaque avait tué Zarqaoui et sept de ses adjoints, McChrystal s’était pointé sur le site de la maison bombardée où s’était planqué le terroriste pour se rendre compte lui-même des dégâts. Il ne restait pas grand-chose, à part quelques pages calcinées de l’édition arabe d’un numéro du magazine Newsweek et assez d’empreintes pour que la mort de l’homme le plus recherché en Irak soit confirmée. Le président George W. Bush avait publiquement remercié McChrystal en lui disant qu’il avait accompli un excellent travail, faisant de lui l’assassin le plus respectable de la nation américaine. En 2009, grâce à sa réputation, le président Obama l’avait choisi pour faire le boulot en Afghanistan, bien qu’au cours de sa carrière pas mal d’autres opérations aient été sujettes à controverse.
Rencontrer le sujet de mon reportage m’a filé une décharge d’adrénaline. Le finaliste dans la course au titre de personnalité de l’année pour Time Magazine. Le général, commandant des opérations de la guerre la plus importante qui se déroulait dans le monde. Stanley McChrystal, alias Big Stan, le Pape, le COMISAF (commandant des forces internationales d’assistance et de sécurité), le Boss, M4 (carabine militaire des Forces spéciales américaines), Stan, général McChrystal, Sir. Une « rock star », comme ses hommes aimaient le qualifier.
Duncan a fait les présentations.
« Michael écrit un article pour Rolling Stone« , a-t-il dit.
« Je vous remercie de m’avoir invité à me joindre à vous, c’est un vrai privilège, ai-je dit.
– Le contenu de l’article ne m’intéresse pas, a répliqué McChrystal. Mettez ma photo en couverture. »
Je n’ai d’abord rien rétorqué. Il plaisantait à moitié. J’ai voulu lui répondre quelque chose de marrant. Ou, tout au moins, essayer de faire preuve d’humour. Je n’avais pas la moindre idée de qui serait en couverture, cependant. Il était rare qu’un collaborateur du magazine ait son mot à dire. Bono m’est venu à l’esprit. Mais je cherchais quelque chose de plus tendance.
« Ça va se jouer entre vous et Lady Gaga, mon général. »
Ses hommes ont cessé leurs conversations. Il suffisait d’un rien pour que la situation devienne embarrassante. Est-ce que j’étais allé trop loin ? Avais-je été insolent ? Qu’est-ce que je voulais ? Qui j’étais ? Le Boss allait-il répondre ?
McChrystal m’a regardé en souriant : « Mettez-moi en photo dans une baignoire en forme de cœur avec Lady Gaga, a-t-il dit. Et ajoutez-y, peut-être, quelques pétales de rose. Je veux être en couverture afin que mon fils me respecte enfin. » (Son fils faisait partie d’un groupe de musiciens.)
Tout le monde s’est mis à rire.
McChrystal et les autres généraux ont filé dans leur chambre afin de se préparer pour la cérémonie qui aurait lieu une heure plus tard.
Je suis resté dans le lobby et j’ai commandé un autre expresso.
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