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Critiques de Michael Kernan (1)
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Les carnets perdus de Frans Hals

Début des années 90', Etats-Unis. Quatre journaux intimes sont retrouvés dans une ferme de Long Island. Rédigés en néerlandais et signés Frans Hals; l'enjeu est désormais d'en attester l'authenticité. Peter van Overloop, un étudiant hollandais, est alors contacté pour traduire ses fameux carnets. Ce dernier accepte ce travail, en premier lieu pour des raisons pécuniaires. En réalité, aucun journal intime ayant appartenu à ce peintre n'a jamais été retrouvé; mais pour les besoins de l'histoire, il n'est pas interdit de s'autoriser ce petit écart. Sauf erreur de ma part, ce livre est épuisé, ce qui est assez dommage. Il pourrait faire le bonheur de bien des lecteurs.



« … jour qui doit être d'avril. le soleil est venu gronder à ma fenêtre, ce matin, me tirant d'un profond sommeil. Il flamboie au carreau, vient balayer le plancher et jeter un oeil au-dessus de l'armoire. Un petit losange de couleur, le bleu vif de la vitre qui se mêle au rouge. Je me suis réveillé content, et pendant un long moment, je n'ai pas su pourquoi »



C'est en lisant ses lignes que j'ai été totalement happée par ces journaux. L'écriture des carnets est une vraie réussite, à tel point que je n'aurais pas dit non à une centaine de pages supplémentaires si ce n'est davantage. En témoigne le soin extrême apporté à la reconstitution de lieux comme Haarlem ou Anvers, à la période en elle-même c'est-à-dire la Hollande du XVIIème siècle, au quotidien de sa population et de ses coutumes. le contexte historique est aussi très bien exploité, notamment cet accès fou de Tulipomanie qui a enfiévré un temps les spéculateurs. En peu de traits et sans jamais céder à la tentation de l'image d'épinal, les descriptions dégagent une atmosphère évocatrice du paysage néerlandais à cette époque. Urbain avec ses marchés, ses bâtiments, ses tavernes, ses canaux ; rural avec ses champs, ses moulins et son bord de mer. Je me suis plu à imaginer les mille et un petits détails parsemant le texte ici et là ; tout ce qui a pu rendre cette lecture immersive pour moi.



Mais ce qui a le plus aimanté ma lecture est Frans Hals lui-même. Sa personnalité est bien évidemment fictive mais l'auteur – peut-être aussi en s'inspirant des témoignages de l'époque – a réussi à créer un personnage véritablement attachant qui évolue progressivement. On le suit de sa trentaine à ses quatre-vingts ans. Mort dans l'indigence, c'est avec un pincement au coeur que j'ai lu les lignes dédiées à sa vieillesse, décrite avec beaucoup d'acuité, de ressenti physique et de mélancolie. Mais avec toujours cette passion intacte de peindre (et les besoins financiers qui vont avec). J'ai adoré suivre Frans Hals dans son quotidien et ses réflexions. La perception qu'à l'artiste de son environnement est souvent à l'origine de très belles lignes. J'en retiendrais cette sensation d'atmosphère feutrée et intimiste ; que ce soit dans des moments d'introspection ou de partage au sein de son cercle familial ou amical.



En filigrane, on apprend aussi une foule de petites choses sur ce peintre et le fonctionnement de ce milieu artistique : fonctionnement d'une guilde et du mécénat, les codes à observer pour les portraits de groupe, le système de rémunération pour ses derniers etc... Quelques détails parfois techniques sont disséminés dans le texte : relatifs à la toile ou à la coupe de bois la plus efficace pour un cadre par exemple ; ou encore à sa conception de ce que doit être la peinture et ses techniques personnelles. A la lecture, on se rend vite compte que le personnage présente une certaine appétence pour l'observation des visages, de l'aura que dégage une personne. Je l'ignorais au début de ma lecture mais il était un portraitiste réputé pour l'expressivité qui émanait de ses portraits. Une spécificité intelligemment exploitée par l'auteur qui a fini par me mettre la puce à l'oreille tant les analyses physionomiques faites par le peintre sont souvent décrites de façon imagée et spontanée.



Indéniablement j'ai trouvé bien plus d'intérêt à l'histoire de Frans Hals qu'à celle de Peter, qui est pour moi le point faible du roman. Mais comme les carnets n'allaient pas se découvrir et se traduire tout seuls, il fallait bien leur donner un cadre. Ce dernier rempli son office mais ne m'a pas entièrement convaincue. J'émets surtout une réserve quant au fait que des journaux intimes signés Frans Hals fraîchement découverts et potentiellement authentiques soient remis à un étudiant lambda sans aucune mesure de sécurité. J'ai aussi trouvé un des dénouements un peu bancal. Outre cela, la narration est bien gérée et efficace. En effet, le lecteur jongle régulièrement entre la vie quotidienne de Peter et sa lecture des carnets. Avec des arrêts brusques, souvent en pleine phrase lorsqu'une pensée, un mouvement, un bruit, un événement rompt sa concentration, quand il s'emploie à une vérification des faits historiques ou à une réflexion sur un point de traduction. Sa vie et celle de Hals se répondant parfois subtilement lors de ses transitions. Un livre à découvrir.
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