Très vite, j'ai détaché la couverture du magazine en luttant contre le vent qui voulait me l'arracher des mains. Je l'ai pliée en quatre et je l'ai cachée dans ma culotte, le seul vêtement qui m'appartenait vraiment. Une fois la photo en lieu sûr, j'ai couru vers le dortoir en m'agrippant au reste des pages pour qu'elles ne soient pas emportées.
J’ai parfois l’impression d’être encore l’orpheline d’hier, la pikin sale et affamée qui, dans sa terreur, se raccrochait de toutes ses forces à un unique espoir, celui de devenir un jour danseuse. À l’époque, je m’appelais Mabinty Bangura, et je dansais pieds nus dans la boue à la saison des pluies.
Je me suis couché par terre, et j'ai ouvert grand les yeux et la bouche.
- Oui, c'est ça, a confirmé Mia. Elle le fait très bien.
Nous avons gagné pas mal de prestige auprès de nos camarades, ce jour-là...
Pendant qu'elle dépliait le papier froissé, je me suis mise à tourbillonner dans la pièce, dressée sur la pointe de mes pieds nus.
C'était notre punition. Comme j'aimais beaucoup les tout-petits, cela ne m'a pas semblé dur. ils étaient très mignons, très drôles, et eux, au moins, ils se fichaient bien que j'aie des taches sur la peau.
Mais ce n'était pas le nom que leur donnaient leurs victimes: en combinant les mots anglais rebel et devil, c'est-à-dire "rebelle" et "diable", on avait formé le mot Debil pour les désigner.