"Plaire" et "faire plaisir" appartiennent à deux mondes différents, l'un ressortissant à une recherche de satisfaction narcissique, l'autre à un élan objectal, tandis que "s'exprimer" met en jeu tout à la fois les pulsions agressives et le statut narcissique du sujet. On conçoit que cette situation puisse devenir douloureuse et paraître même insoluble dès qu'on en fait un dilemme : car s'exprimer sans plaire expose l'écrivain à être rejeté dans sa solitude et son impuissance, c'est-à-dire renvoyé à sa castration, mais d'un autre côté plaire sans s'exprimer, c'est-à-dire renoncer à sa vérité au nom d'une satisfaction narcissique immédiate, c'est s'infliger à coup sûr une blessure narcissique autrement plus profonde puisqu'elle touche aux racines mêmes de l'être.
"Aperçus sur le processus de la création littéraire", P. 18