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Critiques de Ming Doyle (3)
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Banks

Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. L'éditeur a pris le parti de publier en même temps la version en épisode, et la version en recueil. Ce tome a été publié initialement en 2018, écrit par Roxane Gay, dessiné et encré par Ming Doyle, avec une mise en couleurs réalisée par Jordie Bellaire.



À Evanston dans l'Illinois, en 1972, Melvin et Clara Banks garent leur belle américaine devant un pavillon de banlieue. Ils revêtent leur cagoule, et elle pénètre dans la demeure en passant par un soupirail, puis elle va ouvrir la porte donnant sur le jardin, à son époux. Ils pénètrent dans le salon, avec beau bureau, et une peinture accrochée au-dessus de la cheminée. Melvin fait la courte échelle, et Clara s'attaque au coffre-fort derrière le cadre. Assez facilement elle parvient à l'ouvrir et découvre huit lingots d'or que les époux récupèrent, et ils s'en vont tranquillement. Au temps présent, à Chicago dans l'Illinois, Celia Nelson Banks pénètre dans les bureaux du cabinet d'affaires Morrow, William et Klein. Quelques instants plus tard, elle s'assoit à la table de réunion avec les autres responsables de portefeuille, en face de Clay son conjoint. Le chef annonce que l'un des salariés présents sera bientôt choisi pour devenir un associé au sein de l'entreprise. Le soir, Clay vient trouver Celia dans son bureau pour lui dire qu'il est temps de rentrer : elle lui répond qu'elle va travailler encore un peu pour se donner toutes les chances d'être choisies comme associée. Son téléphone sonne : elle répond, c'est sa mère Cora Banks. Cette dernière va rendre visite à sa mère Clara, la grand-mère de Celia, et elle souhaite qu'elle l'accompagne. Celia décline car elle doit encore travailler.



En 1968, Clara arrive à Chicago dans l'Illinois et se rend chez une vieille dame louant des chambres. Elle démarche plusieurs commerces pour un emploi : la réponse est négative à chaque fois, soit à cause de la couleur de sa peau, soit perce que les boulots sont réservés à la famille. Elle finit par se présenter au bar Buster's Blues. Le propriétaire est un peu gêné d'accueillir une jeune fille bien comme il faut, mais Clara a besoin de travailler et elle n'a pas beaucoup d'autres choix. Elle montre rapidement qu'elle sait se faire respecter des clients à la main baladeuse, même les gros durs. Elle finit par être accostée par un jeune homme à la mise bien comme il faut, et au visage enjôleur. Après semaines à se fréquenter, Clara a droit à un petit mot de Buster qui lui apprend de quoi vit Melvin Banks. Elle va lui demander des comptes. Au temps présent, lors d'un pot au champagne en fin de journée chez Morrow, Williams et Klein, un des patrons annonce le nom du nouvel associé : Anderson Livingston Whitney. De manière compréhensible, Celia Bank est fortement dépitée. Elle se remet à travailler encore plus dur. En 1974 à Chicago, Clara et Melvin contemplent leur fille Cora endormie dans son lit à barreaux. Il la laisse au bon soin de madame Jenkins pour la soirée, pendant qu'ils vont faire une sortie, non pas en amoureux, mais en professionnels : un casse tranquille.



TKO est une maison d'édition de comics fondée en 2017 par Tze Chun et Salvatore Simeone, ayant fait appel à des créateurs réputés pour leurs premières parution comme Garth Ennis pour Sara avec Steve Epting, Jeff Lemire pour Sentient , avec Gabriel Hernández Walta, Joshua Dysart avec Goodnight Paradise avec Alberto Ponticelli. La scénariste est une essayiste et romancière féministe. L'artiste avait déjà illustré une histoire de femmes à la tête d'une bande organisée : The Kitchen, avec un scénario d'Ollie Masters. La première scène expose clairement la nature du récit : des voleurs professionnels, spécialisés dans le cambriolage, ayant commencé à opérer au début des années 1970. Il ne faut pas longtemps pour qu'il apparaisse que le récit se focalise sur trois femmes : Clara (la grand-mère), Cora (la mère) et Celia (la fille). S'il n'y prête pas attention, le lecteur plonge dans une histoire de casse, avec le choix de la victime, l'organisation et les préparatifs dudit cambriolage, ainsi que son exécution. Bien sûr il se produit quelques imprévus, ce qui amène le trio à improviser. Ce n'est que s'il fait l'effort de considérer le récit sous cet angle, qu'il constate que le trio est constitué de trois femmes, trois afro-américaines. L'autrice écrit son récit normalement, sans s'en servir comme d'une tribune, que ce soit pour le féminisme ou pour des revendications égalitaires. C'est juste un récit policier (il y a aussi une inspectrice Juanita Vasquez). Pour autant, c'est également un récit dont les personnages principaux sont des femmes.



Le récit ne sert donc pas de prétexte pour faire passer un message, et le lecteur a vite fait de ressentir de l'empathie pour ces trois femmes très différentes, entre Clara qui a vécu une vie bien remplie, Cora qui a élevé sa fille avec sa compagne, et Celia qui grimpe les échelons dans une firme prestigieuse. Même si l'inspectrice n'a qu'un rôle secondaire, elle en impose par sa vocation professionnelle et son implication totale : rien ne lui fera lâcher sa proie. L'artiste réalise des cases dans un registre descriptif et réaliste avec des traits de contour fins et assurés, assez souple, sans utiliser d'aplats de noir. Cela donne une apparence un peu légère aux dessins, parfois un peu éthérée. Cette caractéristique est contrebalancée par la mise en couleurs de Jordie Bellaire une orfèvre en la matière. Elle utilise une palette de couleurs un peu foncées qui viennent conférer du poids à chaque surface détourée, sans pour autant ralentir la lecture, sans prendre le pas sur les traits encrés au point de les masquer.



Ming Doyle sait donner une apparence unique à chaque personnage, le lecteur reconnaissant chacune des trois héroïnes du premier coup d'œil quel que soit leur âge, en fonction de l'époque à laquelle se déroule telle ou telle séquence. Sans aller vers le photoréalisme, elle prend soin de varier les tenues des unes et des autres, et de faire en sorte que chaque habit corresponde à l'âge et la position sociale de la personne qui la porte. Même s'il peut avoir une sensation de décors un peu légers du fait des traits de contour fins, le lecteur constate rapidement que chaque endroit est représenté avec un niveau de détails suffisant pour le rendre unique, avec une plausibilité impeccable. De séquence en séquence, il constate également que l'artiste est une excellente metteuse en scène et directrice d'actrices et d'acteurs. À aucun moment, il n'éprouve l'impression de voir défiler une succession de têtes en train de parler, même quand la scénariste doit dispenser des informations pour faire avancer l'intrigue. Le lecteur voit des personnes en train de se comporter normalement, de s'occuper à d'autres tâches en parlant, ou de réagir à la fois par le visage et par les postures, avec un naturel confondant. Il voit avant tout des êtres humains se comporter normalement, et pas de simples artifices narratifs portant une intrigue bien ficelée.



Le lecteur se sent donc impliqué dans la vie de chacune de ces trois femmes, avec leur histoire personnelle propre, et leur avancée distincte dans le chemin de la vie. Il ressent la frustration de Celia à ne pas être nommée associée. Il ressent la patience limitée de Cora lorsque sa fille et sa mère se lancent dans des échanges de pique, et il fond devant l'amour évident qui lie Cora et Addie Shea. Il voit le calme de Clara l'âge aidant, ainsi que sa passion intacte qui refait surface par moment. Il fond également devant l'amour qui existe entre elle et son époux Melvin. Dans le même temps, il s'implique dans la conception et la préparation du vol qui va être perpétré dans une villa sous haute sécurité pour dérober un serveur contenant plusieurs millions. La grand-mère et la mère ont une longue expérience de la pratique des cambriolages et voient arriver d'un air sceptique Celia qui tout d'un coup décide de virer sa cuti pour les rejoindre dans la pratique du métier familial. Sous réserve de ne pas se braquer sur la notion de bitcoin, le lecteur prend plaisir à voir comment ces trois femmes ajustent leur plan au fur et à mesure des imprévus qui surviennent. Il ne se formalise pas trop de la pratique qui consiste à entremêler différentes lignes temporelles pour avoir des séquences plus courtes, et une alternance plus rapide afin d'échapper à une linéarité basique. Arrivé à la fin du chapitre 5, il se demande bien comment tout ça va finir. Il est possible qu'il ressente une pointe de déception quant à la manière dont les choses tournent dans le chapitre 6, les obstacles semblant plus contournés que réellement surmontés.



Les autrices racontent une histoire entre cambriolage et braquage, impliquant trois générations de femmes de la famille Banks. L'intrigue est rapidement prenante, et le lecteur a tôt fait de s'attacher à Clara, Cora et Celia Banks, pour leur caractère et leur volonté. Les dessins peuvent donner une impression de manque de solidité, mais en fait Ming Doyle réalise une solide narration visuelle, avec un réel don de mise en scène, donnant vie à chaque séquence, sans jamais tomber dans la scène d'exposition plate et artificielle, un des écueils d'une histoire policière en BD. Le lecteur ne se rend compte qu'après coup que le récit était focalisé sur trois femmes afro-américaines, car les autrices n'insistent pas sur ce point, les mettant en scène comme allant de soi. Il est possible qu'il ressente une petite déception avec le dénouement car Roxane Gay fait en sorte de s'affranchir du casse final.
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Mara, tome 1

Il s'agit d'un récit complet, indépendant de tout autre, initialement paru sous la forme d'une minisérie en 6 épisodes en 2013, écrite par Brian Wood, dessinée et encrée par Ming Doyle et mise en couleurs par Jordie Bellaire.



Dans un futur relativement lointain, Mara Prince est une jeune femme de 17 ans championne de volley-ball. Dans ce futur aux réalités économiques peu reluisantes, le sport a pris une importance capitale dans les relations entre les nations, les sommes en jeu sont colossales et les sportifs de haut niveau sont des stars, bénéficiant de contrats mirifiques avec des sponsors, de leur propre chaîne de télévision à leur gloire, etc. Mara Prince est une star parmi les stars, richissime à million, inégalée dans ses capacités. Mais un jour lors d'un match hors tournoi, elle éprouve une étrange sensation lui permettant de se déplacer à une vitesse surhumaine et de passer de l'autre côté du filet pour faire dévier la balle venant juste de quitter les mains de la joueuse au service. Les caméras ont tout enregistré et la notoriété de Mara augmente encore. Par contre son avenir de sportive est compromis. Cette société maudit les tricheurs et les déchoit. Bien vite l'armée s'intéresse à Mara. Il lui reste à décider quoi faire de sa vie avec ses superpouvoirs d'une ampleur incommensurable.



Brian Wood est un scénariste prolifique à la biographie impressionnante. On y trouve aussi bien des histoires pour des franchises comme X-Men (Alpha & Omega ou Primer), Star Wars, ou encore Conan. Il a déjà à son actif un grand nombre de séries originales ou d'histoires complètes : The New York Four, la série DMZ, la série de vikings "Northlanders" ou encore la série "The massive" (à commencer par Pacifique noir). Il propose ici une histoire complète en 1 tome.



Ce récit se décompose en 3 actes distincts : (1) la présentation de Mara en championne exceptionnelle et la société dans laquelle elle évolue, (2) la réaction de cette société à la découverte des pouvoirs de Mara, et (3) le choix de vie de Mara. La première partie laisse une impression mitigée entre reprise d'éléments déjà existants dans notre société (à commencer par le vedettariat sans borne des athlètes de haut niveau, au hasard dans le football), et immersion totale aux côtés de cette jeune femme compétente, motivée et très sympathique, un pur produit de la société dans laquelle elle a grandi et de l'éducation qu'elle a reçu. Brian Wood réussit à faire exister cette Mara et la société qui l'entoure en quelques pages, en montrant à quel point Mara est d'une efficacité exemplaire, et en illustrant la maxime qui veut que l'on se sent seul quand on est au sommet. Il sait montrer en quelques cases l'attachement qui unit Mara à Ingrid Seven, sa seconde dans l'équipe, mais aussi sa meilleure amie et confidente. Il n'y a à aucun moment une trace d'infantilisme ou de mièvrerie dans la manière dont elles se comportent. Ingrid apprécie Mara, elles partagent entre elles leurs expériences (en particulier sur l'art et la manière de maximiser les profits dans leurs contrats avec les sponsors), et il n'y a aucun doute qu'Ingrid a intégré que tant que Mara sera présente, elle sera à jamais la seconde meilleure. Brian Wood sait à partir de quelques dialogues et de quelques pensées intérieures, appuyées par quelques nouvelles brèves donner l'impression au lecteur de connaître les personnages et l'environnement dans lequel ils évoluent.



Brian Wood n'est pas le premier scénariste à imaginer l'apparition de superpouvoirs dans un monde réel ou dans un futur proche (Warren Ellis avec sa trilogie Black Summer/ No hero / Supergod, ou encore John Arcudi avec A God somewhere). Il réussit à rendre la personnalité de Mara Prince très palpable et cohérente, et ses actions imprévisibles. Par contre la relative brièveté de l'histoire ne lui permet pas de développer pleinement les réactions de la société autour d'elle, ces dernières restent à l'état de ressort de l'intrigue, sans réelle épaisseur, sans servir de révélateur de cette société.



Ming Doyle avait déjà adapté 2 livres de Cynthia Leitich Smith en comics. Il approche les dessins avec une optique naturaliste qui donne une apparence très prosaïque à ce qu'il dessine, malgré la composante de science-fiction. D'un certain côté cette façon de dessiner peut décevoir les lecteurs avides de spectaculaire ou de sensationnel, de l'autre elle ancre bien le ton du récit dans une forme de normalité. En particulier il a pris soin de donner une physiologie d'athlète à Mara (pas de poitrine surdimensionnée), ce qui participe pour beaucoup à conférer de la crédibilité au personnage. Les éléments visuels de science fiction restent très discrets : un stade à l'architecture inattendue, un modèle de voiture inhabituel, des tenues vestimentaires sortant de l'ordinaire (en particulier l'uniforme militaire). Doyle s'attache surtout à créer une mise en scène vivante et plausible, transcrivant clairement les actions de chaque personnage. De temps à autre, le lecteur pourra regretter qu'un personnage sur deux ait la bouche entrouverte dans une expression du visage peu parlante et peu naturelle. Quelques scènes souffrent également de décors trop sommaires. Au fil des pages, il devient surprenant que les noms des sponsors n'apparaissent pas de manière plus proéminente dans les images, par exemple sur les tenues des joueuses ou sur les parois des stades.



Brian Wood et Ming Doyle proposent leur version de l'avènement d'un individu avec des superpouvoirs dans une société finalement proche de la nôtre. Ils réussissent à faire en sorte que Mara Prince s'incarne devant les yeux du lecteur ce qui génère son empathie et maintient son intérêt tout au long du récit. Le nombre de pages et les limites de Doyle ne permettent pas à l'environnement d'exister pleinement, ni de développer une approche plus étoffée de l'impact de Mara sur la société. L'histoire se termine de manière claire avec la décision de Mara quant à son avenir, il est possible d'y voir une allégorie sur le jeune adulte affirmant sa propre personnalité, achevant d'entrer dans l'âge adulte.
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Mara, tome 1

Toujours aussi enclin à dénoncer les déviances de la société moderne, Brian Wood est de retour chez Panini avec un nouveau titre très personnel qui s’attaque cette fois-ci au problème de l’image et de la surmédiatisation.
Lien : http://www.actuabd.com/Mara-..
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