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Citation de araucaria


Lorsque nous nous sommes remis en route pour rejoindre le convoi, nous avons traversé la zone de l'attaque. Ils étaient une dizaine de boches, accrochés à des morceaux de bois, des fragments de bouées. Les corps brûlés, blessés à mort. Les mouettes s'étaient déjà attaquées à certains. Nous avons ralenti pour éviter soigneusement les débris à la dérive et les marins qui surnageaient en levant les mains vers nous. Certains de nos hommes leur ont même craché dessus; je comprenais leur haine et même, je la partageais. J'avais déjà vu périr des gens pendant la guerre de 40. Des inconnus, quelques amis... Ceux-là n'auraient pas dû m'impressionner. Pourtant ceux que j'ai vu mourir, en ce matin de septembre, jamais, jamais je ne parviendrai à les ôter de ma mémoire... Car je les ai regardés, longtemps, sans sourciller. Et tandis que je scrutai leurs pupilles, j'ai compris qu'en cet instant ils touchaient du doigt la terrible vérité de la vie. Ils mouraient et leurs yeux hurlaient qu'ils voulaient vivre. Et dans ce regard, et dans ces bras tendus vers nous, j'ai découvert l'insoutenable solitude des hommes.
Guillemot se frotta le visage. Il fixa Janvier et il reprit :
- C'est ce regard-là qu'avait notre naufragé lorsque nous l'avons sauvé, au moment où il a posé ses yeux sur moi. Le regard d'un homme lucide sur le pas du néant. J'ignore qui il est. Mais ce que je pense, c'est qu'il s'agit de quelqu'un qui se sent suffisamment en danger pour braver le péril du large à mains nues. Le remettre aux Turcs, se serait le remettre à la mer; j'en suis certain.
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