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Citation de chris49


GREG
Ce moment-là, Fuego, c'est l'au-delà de la guerre, tu comprends. L'au-delà de la mission pourrie qui ne fait qu'empirer. Voilà : des coups de boutoirs nous coincent à plusieurs dans cet abri où nous venons de nous réfugier en précipitation. Dehors, ça castagne sec. J'étouffe. Nous y sommes sans doute en sécurité pendant un moment, mais nous sommes trop nombreux, assis, debout, empilés les uns sur les autres. Je me demande à chaque pression au-dessus de ma tête comment je vais supporter la prochaine suffocation.
[…]
Voilà, je suis dehors. Je suis sauvé. Je suis Greg le Premier sorti : « PS ». Va-t-on me tirer dessus ? Non. Un souffle transparent me caresse le front et la lumière est pure. J’ai le corps enfin décollé des autres. Je vacille dans un espace immense et libre. Mon corps se déploie, je peux ouvrir les yeux. Ce nouvel univers a goût de solitude. Il semble tout à moi. Je peux respirer à pleins poumons comme jamais auparavant.
Et je hurle.

GUS
« Faites sortir le père. »
L’ordre est rapide et sec.
Place nette a peut-être été faite dehors, mais ici, à l’intérieur, c’est infâme. Il y a belle lurette que le liquide dans lequel je flotte n’est plus transparent. Si j’ouvre les yeux, ça me pique. Avant, quand je regardais, je voyais des orangés, des vagues jaunes ou rougies : elles m’inondaient la tête, les membres et m’enveloppaient entièrement. Ce n’était jamais très net, non, plutôt un halo tiède et délicieux. Mais là, plus rien de ces couleurs.
[…]
Je veux de l’espace ! Je suis peut-être minuscule comme un sac de riz et, si je survis, je tiendrai dans la paume de mon père, mais, ici, il y a des mains et des pieds partout autour de moi : ils prennent toute la place.

GIL
Pour les gens de la région, nous étions de splendides triplés, rieurs et surtout très unis : une fratrie exceptionnelle. Dans l’imaginaire alentour, pouvait-il en être autrement ? Nos trois corps identiques étaient comme un mirage, brûlant ou maléfique, selon que nos parents attiraient ou l’envie ou l’effroi.
[…]
Dans ce creuset d’enfance, je crois que PS se sentait toujours sale pour se laver sans cesse à la fontaine, souvent à la pierre ponce. Gus, lui, était un peu à part, le craignant comme moi, évitant à tout prix les menaces et les confrontations. De mon côté, je flottais sur la vie comme sur une mer d’huile, tranquille et insouciant, ne comprenant rien ni à leurs disputes, ni même à leurs tourments. Je n’imaginais pas un instant ce qui pourrait bien perturber un si bel équilibre.
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