Renoir est mort.
Il est mort en pleine gloire, satisfait peut-être d'avoir à la fois créé le génie moderne et rénové l'art de peindre en perpétuant la pure tradition. Il était mieux qu'un grand peintre, plus qu'un grand artiste merveilleusement apte à exprimer dans une forme qui n'est qu'à lui une originalité profonde. Il est un créateur, un des initiés à qui les hommes doivent une notion inédite de la beauté, de la sensibilité, de l'art.
Avec Monet, avec Cézanne, avec Manet, Auguste Renoir a ouvert et frayé la voie nouvelle. A une société respectueuse à l'excès des formules officielles qui éteignent la pensée après l'avoir bâillonnée, Renoir, avec sa forte sincérité, avec sa virile candeur, a imposé le sens et le goût du vrai. Le maître, dédaigneux des mensonges qu'on enseigne dans les caves du quai Malaquais, ne concevait point qu'il y eut un compromis entre l'art loyal et ces petites recettes. Il peignit comme il voyait, comme il sentait; sur sa toile harmonieuse il fixait non point une image conventionnelle, arrangée selon les lois d'un canon arbitraire, mais la nature même, dans son abondance généreuse et sa mobilité.