Un homme qui tombe à l’eau n’a pas sa place sur un bateau (Eric Tabarly)
Juin 1998, un coup de gite soudain, le choc d’une telle violence qu’Eric est précipité dans une eau noire. Un peu plus d’un mois après, son cadavre est récupéré dans les filets d’un chalutier en mer d’Irlande. Le ronflement des bruleurs de l’incinérateur, une cérémonie à l’école navale, un autel, sa casquette d’officier. Un même sang, une passion commune, il était une icône, lui pas grand-chose. Vingt ans après sa mort, Patrick Tabarly nous raconte ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils ont partagé, ce que son grand frère lui a transmis.
Un livre d’un passionné de la mer qui, du fait des nombreux termes techniques employés, s’adresse avant tout aux passionnés de la voile. Les lecteurs qui s’attendaient à tout connaitre de la vie d’Eric Tabarly seront sans doute un peu déçus puisque ce livre est avant tout une autobiographie de Patrick.
Patrick petit dernier d’une fratrie de quatre, Eric, l’ainé a treize ans de plus, l’après guerre, une famille bourgeoise, encore le temps des privations, ne pas dépenser plus que ce que l’on a, une jeunesse heureuse à l’air libre, un gamin des prairies, des bois et des rivières, entouré d’animaux. La détestation de l’école, les envies d’ailleurs, la haine des enfermements. Si dans la famille Tabarly, les filles penchent plutôt vers le cheval, les garçons, eux, montent sur les bateaux. L’épopée du Pen Duick, premier du nom, un bateau acheté par leur père juste avant la guerre, réparé et transformé par Eric, mélange de passion, de déboires, d’argent qui manque, des heures de travail que l’on ne comptent plus.
Avec une écriture très agréable à lire Patrick nous raconte ses souvenirs de jeunesse avec l’ombre du frère trop souvent absent, la différence d’âge qui s’estompe et progressivement au contact de son ainé, Patrick emmagasine de l’expérience. Une seule obsession, dès que possible larguer les amarres. Patrick nous fait vivre cette passion qu’il partage avec son frère,chavirages, démâtages, abandons, accumulations de déboires, modifier sans cesse le bateau pour le rendre plus performant. Les échecs, les victoires, les tempêtes et la fureur des vagues, la recherche permanente du financement. Le dur métier d’équiper, un métier de crève-la-faim, pas de salaire, on doit payer ses frais de transport pour se rendre sur le lieu du départ, plus sa nourriture pendant la course ou la croisière.
La mer qui représente bien plus qu’une maitresse au point de délaisser sa femme et ses enfants. Eric tenant de l’ancienne école se sent mal à l’aise avec les nouvelles technologies. Par petite touche Patrick nous délivre cependant le portrait de ce frère si célèbre , un homme d’une grande force physique, d’humeur égale, plein de charisme et de prestance.
A presque 65 ans, l’envie de se poser, de profiter du crépuscule de la vie dont personne ne connait la durée, alors Patrick embarque avec Marie sa nouvelle compagne pendant 8 ans au tour du monde. Le retour avec les amis qui attendent sur le quai, la vente du bateau, le dernier. Patrick évoque enfin, avec pudeur et émotion le procès qui a opposé les deux frères, pendant quatre ans, sur l’utilisation du nom de Tabarly pour une ligne de vêtements et de chaussures par Auchan.
Ce voyage se termine par le bonheur de voir son fils Erwann devenir skipper, le virus est tenace, Patrick deviendra l’équipier de se fils, la boucle est bouclée. Une belle aventure que celle de cette famille de marins, la vie d’un petit frère qui a toujours navigué dans le sillage d’un frère célébrissime, une vie de passion, consacrée à la mer qui lui a rendu au centuple ce qu’il lui a sacrifié.
Merci à Babelio et aux éditions Stock de m’avoir permis d’embarquer.
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Patrick Tabarly a vécu dans l'ombre de son frère Eric, sans pour autant en souffrir. Il a mené sa barque et a vécu du même amour de la mer que son ainé, avec lequel il fit équipage à de nombreuses reprises.
Au fil des pages, il nous fait revivre les grands moments de la voile française, ses courses mythiques où tant de marins français, formés par Eric lui-même se sont illustrés. On retrouve toute une époque, celle des années 60 aux années 90 principalement. Une époque marquée par la saga PenDuick, qui vit progressivement les sponsors imposer les noms de leurs marques sur les coques de voiliers toujours plus performants et que Eric piètre commercial mais marin visionnaire contribua à faire éclore.
C'est surtout un hommage que Patrick rend à son frère. Un hommage fraternel, où il témoigne avec beaucoup de pudeur et de sincérité, de ce qu'il lui doit.
Progressivement le mythe d'Eric s'efface devant le frère cadet et l'on comprend qu'au fond les valeurs fortes que la mer impose à ceux qui s'y frottent se sont transmises de l'un à l'autre.
Dans une sorte de fidélité inconsciente, Patrick a poursuivi l'oeuvre de son frère tout en s'en émancipant en continuant à naviguer et à courir aussi longtemps qu'il a pu.
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Un ego écorché.
La poésie des dernières pages n'arrive pas à masquer un récit mal articulé, autour de rancœurs émergentes.
Bien qu'il soit fait référence de manière itérative aux Tabarly, Il existe un océan entre ce Patrick, bavard et moraliste, et l'immense Éric dont les silences nous ont tant fait rêver.
L'exorcisme tenté par l'auteur ne permettra certainement pas de ranger cette petite biographie au panthéon de la bienveillance...
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