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Critiques de Patrick Zylberman (2)
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Tempêtes microbiennes

« La réalité fait peur non parce qu’elle est réelle mais parce qu’elle menace de le devenir. » Ainsi, écrit Patrick Zylberman, le « monde transatlantique » serait passé en matière de gouvernement de la santé publique, d’une logique de prévention à la preparedness, comme nouveau régime de rationalité. L’origine de ce glissement serait à chercher du côté des États-Unis, au confluent de trois mouvements historiques : la montée dans le domaine scientifique du thème des nouvelles maladies émergentes ; la réorganisation de l’agenda sécuritaire autour des menaces bioterroristes (sur les brisées des attentats du 11 septembre 2001, des lettres à l’anthrax et des incertitudes autour du devenir de l’arsenal bactériologique de l’Union soviétique) ; et la consolidation d’une pensée stratégique de la guerre asymétrique. Dans ce contexte, la santé publique aurait été captée par les questions de « sécurité intérieure » et nous aurions dérivé, en matière de politiques sanitaires, d’une pensée du risque, caractéristique de la « modernité réflexive », à une pensée de la menace.



2Ce changement d’époque se traduit par une transformation profonde du rapport aux maladies infectieuses, d’abord aux États-Unis et, plus récemment, au sein de l’Union européenne : dans le sillage de travaux récents sur ce thème, Patrick Zylberman montre qu’il s’agit moins, aujourd’hui, de former des politiques de prévention destinées à réguler des risques probables que de mettre au point des réponses adaptées aux pires menaces imaginables. D’où que la preparedness, en sa rationalité propre, délaisse les probabilités pour s’engager dans une logique fictionnelle, seule capable de scénariser l’incertain et de préparer la réponse aux périls potentiels qui s’y logent. Les politiques de santé publique auraient ainsi été saisies par une logique du pire et seraient passées, ce faisant, d’une approche en termes de régulation des risques à une logique d’éradication de la menace, sans limites de moyens : c’est là le postulat central de l’auteur. Et la sécurité sanitaire, autrefois cantonnée au domaine de l’infrapolitique, d’entrer de plain-pied dans le domaine stratégique des États.



3Mais la montée envahissante d’une raison de la menace ne va pas sans interroger le rapport de l’État au citoyen, aux États-Unis comme en Europe : la prolifération des contre-mesures élaborées dans le cadre des plans de preparedness – vaccinations de masse et retour de la quarantaine, comme réponse pandémique ou par anticipation – se heurte, en effet, à la résistance du public. D’où, dans des contextes où l’imposition de mesures sanitaires par la contrainte est politiquement risquée, la montée d’une conception « superlative » du civisme où le citoyen ne jouit plus seulement d’un droit à la sécurité sanitaire (health safety), mais devient responsable de sa propre santé et de celle des autres (biosecurity) : auxiliaire actif de la santé publique. En retraçant l’histoire des ratés de la gestion de l’épidémie de grippe porcine (H1N1) de 1976, et l’échec de la campagne de vaccination antivariolique aux États-Unis en 2003, Patrick Zylberman montre cependant les limites opératoires de ce nouveau régime de gouvernement des risques sanitaires.



1 Lakoff A., Collier S. J. (éd.) (2008), Biosecurity Interventions: Global Health and Security in Que (...)

2 Clarke L. B. (2006), Worst Cases: Terror and Catastrophe in the Popular Imagination, Chicago, Unive (...)

4L’approche transatlantique (plus que comparative) fait sans doute une part de la force et de l’originalité de l’ouvrage. Au même titre que son analyse de la « logique du pire », son rapport à la fiction (comme mode d’anticipation) et à l’histoire des catastrophes sanitaires (comme régime de plausibilité) offre une profondeur historique sans équivalent et un arrière-plan conceptuel original et soucieux d’empirie au corpus grandissant de travaux critiques sur l’idéologie de la preparedness. Peut-être, à la lecture de ce texte ambitieux, regrettera t-on tout juste que Patrick Zylberman disqualifie sans vraiment les discuter les contre-arguments des tenants du « worst case scenario », pour qui le basculement d’une raison probabiliste à une raison fictionnelle constitue un élargissement de la rationalité
Lien : https://journals.openedition..
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Tempêtes microbiennes

Par l’ampleur de son enquête, cet ouvrage restera comme une étape dans la clarification de cette distinction et dans la réflexion sur ses enjeux politiques et moraux.
Lien : http://www.laviedesidees.fr/..
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