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Citation de SZRAMOWO


Pendant deux ou trois minutes, Marthe de Penhoël resta comme anéantie.
Le coup la frappait d’autant plus rudement qu’il était plus imprévu ; jusqu’au dernier moment, elle avait refusé de croire à un malheur sérieux.
« Que craindre ? un enlèvement ? Mais qui pourrait avoir l’idée d’enlever cette pauvre enfant, malade et faible ? N’eût-ce point été un assassinat ? »
Maintenant que Marthe recouvrait la faculté de penser, sa conscience répondait à cette question :
« Les autres ont bien été assassinées ! »
Mais la lumière se faisait lentement dans son esprit, et, à mesure qu’elle réfléchissait, les doutes revenaient en foule avec l’espoir.
C’était impossible !… qui donc aurait enlevé Blanche ? Marthe ne pouvait nommer qu’un seul coupable, et celui-là n’avait pas besoin d’employer les mesures extrêmes. Robert de Blois était le maître au manoir de Penhoël, où, depuis bien longtemps, chacun devait accomplir ses moindres volontés. On n’arrache pas une pauvre fille à son lit de souffrance, quand on peut la garder à vue comme une captive, et qu’on la tient en son pouvoir.
Pourtant, de la place où elle était tombée sur ses genoux, Marthe pouvait voir encore les derniers barreaux de l’échelle dressée contre la fenêtre. Il n’y avait pas à lutter contre cette preuve si évidente ; Marthe courbait la tête, et c’était machinalement que sa bouche répétait encore :
– Blanche !… Blanche !… je t’en prie, ma fille, ne te cache plus !…
Il y avait déjà longtemps que Marthe était ainsi prosternée, la tête sur sa poitrine, et ne trouvant point la force de se relever. Elle voulait implorer Dieu, mais sa mémoire lui refusait, en ce moment, ses prières si souvent répétées. Elle ne pouvait prononcer qu’un mot :
– Blanche… Blanche !…
Comme elle essayait, pour la vingtième fois peut-être, de se dresser sur ses pieds, afin de jeter au moins un regard en dehors, la porte s’ouvrit doucement.
Un immense espoir envahit le cœur de la pauvre mère ; son âme passa dans ses yeux, qui se fixèrent, avides, sur la porte entr’ouverte.
Personne ne s’y montrait encore.
– Blanche !… murmura Madame ; oh ! tu me fais mourir !… C’est toi, n’est-ce pas, c’est toi ?
La porte s’ouvrit tout à fait, et au lieu de la charmante figure de l’Ange que Marthe s’attendait à voir, ce fut le visage sombre du maître de Penhoël qui apparut sur le seuil.
René avait ses cheveux gris épars, et les rides de son front semblaient se creuser plus profondes. Sa joue était blême, à l’exception de cette tache d’un rouge ardent que l’ivresse mettait, chaque soir, à ses pommettes osseuses amaigries. Il avait les yeux hagards, mais non pas éteints comme à l’ordinaire, et dans sa prunelle sanglante on lisait comme une colère vague et aveuglée.
Il était ivre.
Il se retenait des deux mains aux montants de la porte.
– On vous trouve enfin, madame !… dit-il d’une voix embarrassée. Voilà longtemps que je vous cherche !… Debout et suivez-moi.
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