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Critiques de Peter Wagner (1)
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Sauver le progrès

L'idée des Lumières, selon laquelle l'autonomie ouvre la voie au progrès, a été théorisée par Kant à la fin du XVIIIème siècle et a été aussitôt critiquée : Quelques années après Kant, Burke notait à propos de la révolution française : « L'effet de la liberté pour les individus consiste en ce qu'ils fassent tout ce qui leur plaît ; nous devrions nous donner le temps de voir ce qui leur plaira de faire avant de hasarder des félicitations » (p 100). Wagner ouvre son livre sur l’épuisement du progrès dans les années 50, et plus radicalement depuis les années 70, et fait en pédagogue une histoire des faits et des idées.



Le progrès, « amélioration des conditions de vie des êtres humains, y compris dans leurs formes d’organisation sociale », a des dimensions épistémique, économique, sociale et politique. Ces dimensions s’articulent entre liberté et raison. La réalité du progrès épistémique – progrès dans le savoir au sens large - ne fait pas de doute, pas plus que le conflit entre liberté et raison qui en dérive : comment juger en raison un savoir croissant sur l’extraction des ressources naturelles, quand il implique la liberté pour les producteurs de compromettre l’avenir de la planète ? Le progrès économique – celui de la satisfaction des besoins - est également certain : depuis l’invention du progrès par les Lumières, on a vu une augmentation massive de la population, et malgré celle-ci une large progression de l’espérance de vie et du PIB moyen par tête. Mais ce progrès économique n’a pas été distribué de façon égale dans l’espace et dans le temps. Son avance technique a favorisé l’Europe, puis l’Occident, aux dépens de ses colonies, puis après la décolonisation, le nord aux dépens du sud. Au sein des pays développés, le libéralisme a favorisé les possédants aux dépens des dominés, ou ailleurs le Parti aux dépends du peuple. Dans nos démocraties contemporaines, au-delà de la subordination des travailleurs à l’employeur et malgré l’égalité formelle posée par la loi, il persiste une domination de la majorité aux dépens des minorités : les femmes, les citoyens de couleur, les étrangers et les migrants.



Les progrès épistémiques et économiques ont des conséquences sévères, mais qualitatives, difficiles à mettre en balance avec le progrès matériel : transformation du cadre de vie, « fléaux moraux » de l’urbanisation et de la révolution industrielle, aliénation, inégalités, menaces pour la planète et pour les générations futures. La réflexion sur le progrès se déplace alors vers le domaine social : il est possible d’identifier une autre forme spécifique de progrès, celle de l’amélioration des conditions générales d’autoréalisation, à commencer par l’égal rapport à la liberté. J’appellerai cette forme progrès social (p 24). L’indicateur classique du progrès social est l’extension de l’égalité et de la liberté. « L’égale liberté » a été d’abord acquise au niveau collectif, formellement garantie par les institutions, mais assurée beaucoup plus tard dans les relations interindividuelles. L’accès tardif des femmes à l’autonomie (droit de vote, droits de travailler et d’ouvrir un compte en banque sans en référer à leurs maris), illustre l’écart historique – à supposer qu’il soit comblé - entre le collectif et l’individuel. Pourtant l’autonomie fait problème « car, à cause d’elle, il est difficile de comprendre les formes d’organisation sociale » et sa défense « se fait au prix d’un haut degré d’incertitude et de contingence » (voir aussi « Le dérapage du subjectivisme » dans Le malaise de la modernité de Charles Taylor).



La question de l’autonomie amène à la quatrième dimension du progrès, sa dimension politique : « Nous revenons à la double exigence du progrès politique : déterminer librement les règles du vivre ensemble, et les appliquer effectivement » (p 116). Mais vivre ensemble à quelle échelle : le pays, les alliances, le monde ? Qui détermine les règles, qui les applique et qui les contrôle ? « Alors que les solutions à ces problèmes peuvent être formulées en termes généraux – une justice sociale étendue à l'échelle mondiale et sensible à l’histoire ; un engagement durable envers la planète ; une coexistence pacifique, mutuellement enrichissante, des différentes interprétations du monde ; la soumission des pratiques économiques à l’impératif démocratique -, les chemins à emprunter qui permettraient d'approcher de telles solutions restent à tracer ». Sans surprise, l’auteur qui voulait « nous éviter d’accepter le temps présent tel qu’il est », nous laisse ici désemparés devant un futur désirable. Il nous donne au moins les instruments de la réflexion pour ces temps de Brexit et de Trumpisme.

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