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Citation de mimo26


« Ces derniers instants n'auraient pas dû exister »

L'idée préconçue que j’ai dû corriger au fil de toutes ces années d’enquêtes dans les affaires de pédophilie, c’est celle qui nous pousse à croire que chaque victime éprouve une haine profonde à l'égard de son agresseur. Ainsi, une fillette a avoué à un collègue qu’elle aimait aller s’asseoir sur les genoux de son papa tous les dimanches après-midis alors que sa mère allait rendre visite à sa grand-mère. Son père la cajolait alors et la caressait, ce qu’elle trouvait très agréable. « Ce n’est que pour les cinq dernières minutes, alors qu’il me caressait entre les jambes, que là, j’aurais préféré que ça s’arrête, disait-elle, mais j’aimerais pouvoir continuer à lui faire des câlins tous les dimanches. » C’est ce genre de récit de victimes qui m’a donné une vision plus claire des agressions sexuelles en général et des agressions sexuelles sur enfants en particulier. Ce phénomène est très complexe et trop souvent examiné de façon simpliste.

On entend parfois des récits d’enfants ou d’adolescents, agressés sexuellement pendant des années, qui reviennent pourtant régulièrement auprès de leurs agresseurs. Incompréhensible ? Sont-ils obligés d'entrer dans cette maison ? Non ! Mais ils le font quand même. Pendant des mois, voire des années… L’agresseur les a conditionnés, manipulés ou trompés, mais il ne s’agit pas uniquement de ça. Non, ces enfants continuaient de rendre visite à leur agresseur parce que, d'une façon ou d'une autre, ils se sentaient bien chez lui. L’agression sexuelle n’était que la partie désagréable de cette visite. Certains racontent par la suite que la maison de leur agresseur était plus « chaleureuse » que leur propre foyer. Il est clair que c’est également une des raisons pour lesquelles le pédosexuel les avait « sélectionnés ».

Un agresseur a d’ailleurs tout intérêt à ce que l’enfant revienne spontanément vers lui. C’est pourquoi il fait tout ce qui est en son pouvoir pour mettre ses victimes à l'aise. En effet, cela réduit le risque que ses agressions soient rendues publiques. Mais cela cache souvent une stratégie encore plus perverse : en effet, l'agresseur peut ainsi rappeler à l’enfant que celui-ci est toujours venu de son plein gré. De cette façon, il parvient, d’une manière très lâche, à faire porter la responsabilité de l’abus à l’enfant.

Ce qui n’a pas de sens, seul l’adulte porte la responsabilité de ce genre d’agression.

Au fil des années, j’ai dû revoir mon jugement sur une autre idée préconçue. Auparavant, je pensais que l’ampleur d’un traumatisme résultant d’une agression sexuelle était plus ou moins proportionnelle à la gravité de celle-ci. Mais ce n’est pas le cas. Ainsi, je me souviens d’un animateur de camp qui, le soir, faisait venir dans sa tente les jeunes garçons qui avaient fait des bêtises pendant la journée. Le jeune devait enlever tous ses vêtements, sauf son caleçon, et l’animateur l’obligeait à regarder un livre pornographique. Dès que celui-ci constatait une érection, la punition était accomplie et il pouvait quitter la tente.

C’est un comportement qui dépasse clairement les limites, et je me demande si cet animateur n’est pas un véritable « pédosexuel ». On pourrait cependant estimer que c’est moins grave qu’un autre crime sexuel comme, par exemple, un viol et penser dès lors que ce genre de comportements n’aura pas autant de conséquences sur l'avenir de la victime. Sans doute, les jeunes, eux aussi, estimaient à ce moment qu’il ne s’agissait que d’une blague de mauvais goût ? Mais, plus tard, lors de l’audition des victimes, nous avons compris que, même vingt ans plus tard, celles-ci n’avaient pas encore réussi à digérer ce qu'elles avaient subi. La nuit, ces hommes se réveillaient régulièrement en nage après avoir fait des cauchemars qui les poursuivaient.

Les agressions sexuelles sur les enfants sont encore trop souvent associées au cliché du vieil homme sale et bossu qui repère un enfant à vélo, l'attire derrière les buissons et le viole. Au fil des pages, ce livre nous apprendra que, la plupart du temps, cela n’arrive pas de cette façon et que les agresseurs se retrouvent dans la plupart des cas parmi les amis ou la famille de la victime et de ses parents.

Pour que ce soit bien clair : en soi, la pédophilie n’est pas un crime. Tout le monde a le droit d’avoir des fantasmes sexuels concernant les mineurs d’âge ; c’est le principe de liberté d’opinion qui le veut. Les pédophiles qui ne se contentent pas de rêver et de fantasmer, mais qui passent à l'acte et agressent réellement des enfants, sont des pédosexuels, ce qui est bel et bien punissable par la loi.

Une étude récente montre que les agressions sexuelles sont particulièrement fréquentes. Une fille sur trois et un garçon sur cinq vivent, avant leur dix-huitième anniversaire, un contact que l’on pourrait qualifier de harcèlement sexuel. Les jeunes filles sont donc plus souvent agressées que les jeunes garçons. Le pourcentage de filles agressées augmente également avec l’âge.

Bien sûr, ces contacts ne se limitent pas uniquement aux viols et aux attentats à la pudeur. Il peut également s’agir d’un exhibitionniste qui leur a foncé dessus ou encore de la main baladeuse d’un oncle qui voit dans les trois baisers traditionnels du Nouvel An une chance de toucher un sein « accidentellement ». C'est le sentiment d'agression ressenti par l'enfant qui détermine l'ampleur du traumatisme.

Lorsque la directrice de Child Focus m’a demandé pourquoi je voulais écrire ce livre, alors qu’il existait déjà une littérature scientifique considérable sur le sujet, je lui ai dit que la réponse se trouvait dans sa question. En effet, des rayons entiers traitent déjà de pédophilie, mais je n’ai encore jamais repéré de livres écrits à l’intention de lecteurs qui n'étudient pas cette problématique, que ce soit sur le plan scientifique ou professionnel.

La raison principale de mon initiative est assez complexe et légèrement contradictoire. J’entends alerter et éveiller les parents, les grands-parents et toute personne soucieuse de la sécurité des enfants, tout en les incitant à ne pas devenir paranoïaques.

En gros, je voudrais inviter les lecteurs à dorloter et câliner davantage nos petits, mais pour les bonnes raisons, à savoir l’amour que nous leur portons. Je trouverais cela particulièrement regrettable que notre société en vienne à considérer toute personne entrant en contact physique avec les enfants comme un pédophile supposé. Nous ne devons pas les priver de la chaleur physique et émotionnelle dont ils ont besoin, sous prétexte que des pervers sont dans la nature. Au contraire.

Les exemples pratiques largement présentés dans ce livre sont basés sur des faits réels que j’ai pu constater en tant que policier, ou que des collègues m’ont rapporté. Ils sont rédigés pour que ni la victime ni le suspect ne puissent être identifiés. À cette fin, deux ou plusieurs affaires ont parfois été fondues dans le même récit.
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