Philippe Burty

Sonnets et eaux-fortes est un livre étonnamment peu connu, alors qu'il s'agit peut-être du plus important recueil poétique du XIXe siècle et d'un des ouvrages majeurs de la littérature, notamment parce qu'il incarne la quête de l'oeuvre d'art totale. L'idée du livre a émergé dans l'esprit de Philippe Burty qui désirait associer 42 dessinateurs-graveurs et 42 poètes, autour de thèmes communs et en accordant à l'image autant de place qu'au texte (et casser la hiérarchie existante entre le texte et son "illustration", terme qui implique déjà une forme de sujétion).



Le recueil présente tous les grands poètes de son temps (Théophile Gautier, Anatole France, Victor Hugo, Heredia, Lecomte de L'Isle, Verlaine...) et tous les grands illustrateurs (Nanteuil, Gaucherel, Manet, Flameng...). Autant dire que le casting de cet ouvrage choral est exceptionnel, et le résultat, à la hauteur. Si les associations entre artistes sont parfois hasardeuses (les affinités personnelles l'ont souvent emporté sur les associations esthétiques), néanmoins les poèmes sont sublimes (à condition d'aimer le style un peu froid du Parnasse qui domine nettement dans la majorité des poèmes) et les gravures d'une grande diversité esthétique, ce qui est particulièrement réjouissant.



Il convient de noter que Victor Hugo est intervenu comme poète et comme dessinateur, et qu'il est le seul à ne pas avoir gravé son dessin. Exigence de Burty, ce dernier voulait tellement Hugo dans son recueil qu'il a accepté après des mois de combat le refus catégorique de l'écrivain de faire lui-même sa gravure.



En tout état de cause, si vous voulez savoir où en était la poésie et la gravure à la fin des années 1860, consultez ce livre (gratuit sur gallica) qui contient l'essence de ces deux arts à une époque où ils étaient si brillants. Un chef-d'oeuvre.