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Citation de Woland


[...] ... Avant de juger la conduite d'Isabeau de Bavière à partir de 1392 - et de prendre pour argent comptant les calomnies qui ternissent sa mémoire - il est nécessaire de connaître le sort terrible que le Destin lui a réservé. D'abord, la folie ne s'abat pas sur Charles VI de manière tout à fait imprévisible. "Bien savions-nous que cette faiblesse de chef le travaillait moult fort," avoueront ensuite ses médecins. Déjà, à Amiens, au printemps, il était tombé "en fièvre et en chaude maladie." Depuis longtemps, son besoin continuel d'activité, l'ardeur de ses désirs, la brusquerie de ses dégoûts, dénotaient une nature vulnérable. L'attentat contre le connétable [de Clisson], l'excitation des préparatifs [de l'expédition punitive] achèvent d'ébranler sa résistance nerveuse. Sur la route de Bretagne, il est obligé de se reposer plusieurs semaines à Saint-Germain-en-Laye, puis au Mans. Dans les premiers jours d'août, il donne les premiers signes de démence, "par des propos insensés et des gestes indignes de la majesté royale", selon le témoignage de Michel Pintoin qui participe à l'expédition.

La scène de la forêt du Mans reste gravée dans toutes les mémoires. Le 5 août 1392, quoique encore faible, le roi donne l'ordre de reprendre la route [vers la Bretagne]. La canicule, oppressante, est presque insupportable, et "la terre desséchée jusque dans ses entrailles." Charles VI, coiffé d'un chaperon de vermeille écarlate, étouffe dans son justaucorps de velours noir. Au cou, il porte le chapelet d'Isabeau.

A peine sorti de la ville, un misérable, couvert d'une cote en haillons, le visage hideux, se précipite vers le cortège en vociférant : "Ne passe pas outre, noble roi, car tu es trahi !" Dans la littérature médiévale, la forêt est ce lieu sombre où rôdent les forces du mal. Là où le héros perd la raison. Semblablement, l'"homme sauvage" - c'est-à-dire l'homme de la forêt, silva en latin - incarne l'anti-chevalier par excellence. Le fou est celui qui se dépouille de ses armes et de ses vêtements pour errer presque nu et mener l'existence des bêtes. Or, de telles références peuplent l'imaginaire de Charles VI, grand amateur de romans courtois. L'apparition de ce faux ermite "à la face défigurée" le fait basculer dans l'univers obscur de la forêt interdite ...

Vers midi, alors que le soleil frappe d'aplomb, la colonne royale traverse les landes du Bourray, près de Parigné-le-Pôlin. Soudain, un page, somnolant, laisse tomber par mégarde sa lance sur le casque du cavalier qui le précède. Le fracas fait tressaillir le roi, qui tire son épée du fourreau, éperonne son cheval et, se croyant attaqué, frappe tous ceux qui se tiennent à sa portée. Au paroxysme de la fureur, il massacre quatre écuyers et veut tuer son propre frère. Pendant une heure, Charles se démène comme un forcené, jusqu'à ce qu'il s'effondre d'épuisement. Sans connaissance, le malheureux est alors allongé sur une litière et ramené au Mans. ... [...]
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