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Citation de Woland


[...] ... Cela étant, existe-t-il des témoignages authentiques de l'inconduite d'Isabeau de Bavière ? Et, en particulier, de sa prétendue liaison avec Louis d'Orléans ? Il convient tout d'abord d'éliminer les sources tardives ou apocryphes. Sans s'arrêter aux élucubrations d'un Brantôme, il est tout à fait invraisemblable que Louis XI - si fier de la supériorité de sa race - ait confié, comme on le lit parfois, que sa grand-mère était une "gran putana - une grande putain."

Aucun auteur contemporain n'accuse la reine d'adultère, à moins de s'arrêter à de très vagues allusions. La plus marquée est peut-être celle du Religieux de Saint-Denis, évoquant Isabeau et son beau-frère en ces termes : "Indifférents à la défense du royaume, ils mettaient toute leur vanité dans leurs richesses, toute leur jouissance dans les délices du corps. Enfin, ils oubliaient tellement les règles et les devoirs de la royauté, qu'ils étaient devenus un objet de scandale pour la France et la fable des nations étrangères."

Dans le "Songe Véritable", l'allégorie de la Fortune adopte un ton menaçant : "Je lui ferai avoir telle honte, et tel dommage et telle perte, qu'en la fin, en sera abandonnée." Plus loin, Raison tente, à son tour, d'intimider la princesse fautive : "Si devers moi bientôt ne viens, je t'enlèverai tous les tiens. Je te mènerai à tel malheur que tu n'auras membre ni chef qui ne te tremble de forte ire. Mais je ne te veux ores plus rien dire, parce que femmes ont peu de honte et font de mes dits peu de compte. Mais en la fin t'en souviendras, quand Fortune sur toi viendra. [...] On dit en proverbe souvent que nul ne sait ce qu'à oeil lui pend."

Ces quelques citations suffisent-elles à conclure à la culpabilité d'Isabeau ? Certainement non. D'autant que son péché supposé aurait été d'une gravité extrême. En effet, les théologiens médiévaux assimilent les relations sexuelles entre beau-frère et belle-soeur à un inceste, dont le "Ménagier de Paris" fait la "quinte branche de luxure" : "Quand homme ou femme a affaire charnellement à sa cousine, ou qu'elle soit de son lignage, soit loin ou près, ou à sa mère ou à celle qui est du lignage de sa femme, ou la femme a affaire à celui du lignage de son mari."

Or, aux yeux de l'Eglise, l'inceste - comme la sodomie ou la zoophilie - est passible de la corde ou du bûcher. Encore faudrait-il ajouter dans ce cas le crime de "rapt d'honneur" commis par un vassal sur l'épouse de son suzerain, et celui de lèse-majesté que constituerait le commerce illicite avec une princesse ointe et sacrée. Replacée dans le contexte du temps, une liaison charnelle entre Isabeau de Bavière et le frère de Charles VI apparaît donc des plus improbables. Sans compter qu'elle aurait été matériellement bien malaisée. Une reine de France, sans cesse entourée de ses dames et de ses servantes, ne reste jamais seule, même la nuit. Ainsi, en 1416, les comptes d'Isabeau mentionnent l'achat de "deux quartiers de serge vermeille [et] dix livres de plumes appelées fleurin [...] pour servir à coucher dessus les femmes qui veillent de nuit devers icelle dame." ... [...]
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