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Citation de tilly


Dans les années quatre-vingt, les écoles d'ingénieurs françaises avaient vite compris l'attrait que pouvait receler le monde merveilleux de la finance pour leurs jeunes étudiants. Londres, New York, Hong Kong,Chicago. Des salaires mensuels à cinq chiffres et des bonus qui n'ont que le ciel pour limite. L'attraction du pouvoir, la rapidité des destins qui se font et se défont en un coup de bourse. Une espèce de romantisme balzacien où le trader prend la place du journaliste, mais où l'argent garde sans conteste le premier rôle. L'argent, qui devient non seulement le symbole de la reconnaissance, mais l'objet même de la quête. Le jeu et la récompense réunis par alchimie. Toutes ces écoles mythiques dont les noms sont en eux-mêmes des programmes — École des Mines, École nationale des Ponts et Chaussées, École Polytechnique — ont alors cédé aux sirènes des nouveaux maîtres du monde, les unes créant des sections Finance, les autres des Mastères Spécialisés ou des cours optionnels destinés à maîtriser ces nouveaux horizons. Contrats à terme. Swaps. Produits dérivés en tous genres. Options exotiques. C'est ainsi que les grandes écoles de la République, censées fournir les bataillons d'ingénieurs, de scientifiques et de hauts fonctionnaires, sont devenues en l'espace de quelques années les antichambres des salles de marchés de la Défense, de Wall Street ou de Canary Wharf.
Je fus l'un des fruits de ces institutions. Je croyais dur comme fer à la science et aux mathématiques. Je me souviens par exemple de ce terrible après-midi d'hiver, au milieu de ma deuxième année de classes préparatoires, où mon professeur de mathématiques nous avait accueilli la mine triste, le regard froid et lourd, et nous avait demandé sur un ton très solennel de nous lever pour respecter une minute de silence. La navette spatiale Challenger venait d'exploser en vol dans le ciel de Floride, un peu plus d'une minute après son décollage. Pendant ce moment de recueillement, nous pensions évidemment aux astronautes qui avaient perdu la vie dans cet accident dramatique, mais en vérité c'était le deuil de notre foi en la science que nous saluions ce jour de janvier 1986.
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