PDJ écrit dans un style précis, distancié, original, inattendu, drôle, sensible, intelligent.
Cela lui permet de parler de musique, d’un chagrin d’amour et de l’andropause qui accablent son narrateur sans pathos ni mièvrerie. De la littérature quoi. Un vrai régal.
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Intrigué par la couverture bleue d’Une fuite en Egypte (une famille de rhinocéros), vous ouvrez le roman et découvrez un texte compact, sans paragraphe ni retour à la ligne ni chapitre, avec un seul signe de ponctuation répété au fil des 200 pages, le point-virgule. Des romans sans ponctuation, on en a déjà vu, Paradis de Philippe Sollers, ou plus récemment le très beau Anguille sous roche d’Ali Zamir, mais un usage exclusif du point-virgule, c’est inédit. Philipe De Jonckheere, photographe et créateur du site-monde desordre.net n’a sans doute pas lu les recommandations du Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale concernant ce signe de ponctuation :
« On doit éviter d’en faire un emploi excessif et notamment de l’utiliser là où il faudrait une virgule ou un point. » Surpris, voire agacé (par ce qui pourrait sembler n’être qu’une coquetterie d’auteur), vous commencez votre lecture. Le roman s’ouvre sur une injonction contradictoire, « Je vous arrête tout de suite », mais pas moyen de lâcher ensuite ce long monologue. L’histoire tient en quelques lignes : la femme du narrateur s’est tuée au volant de sa voiture six mois auparavant, c’était un accident. Le narrateur, photographe, raconte son quotidien de veuf, désormais seul avec Zoé et Emile ses deux jeunes enfants, ses souvenirs, le chagrin, la culpabilité, le remords, la possibilité d’un nouvel amour. Tout se mêle sans hiérarchie, les détails les plus triviaux et les interrogations existentielles, la description du désordre de son garage et des considérations sur la peinture contemporaine. Ce flux de pensées, scandé par le point-virgule, se développe comme un rhizome, d’association d’idées en digression, entrainant le lecteur dans le labyrinthe du deuil. De fragment en fragment, on avance pourtant, suivant le rythme de cette ponctuation si particulière. Tantôt déchirant, tantôt grinçant d’humour noir, sans apitoiement, Une fuite en Egypte raconte une reconstruction par l’écriture.
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