Pierre Bonhomme

Le déficit de l'acquisivité. - Le sujet est dans l'incapacité d'acquérir une notion nouvelle et de l'appliquer. Il ne peut s'adapter aux situations nouvelles et tirer parti de l'expérience que cela apporte. Ce défaut d'adaptabilité provoque chez lui une tendance à se réfugier dans ses habitudes et à éviter tout facteur de changement.

Au coeur même de la dynamique du syndrome psycho-organique, on peut avancer que l'élection par l sujet de certains mécanismes de protection contre le malaise causé par le déficit organique est étroitement liée au type de personnalité et que beaucoup de symptômes rattachés à ce syndrome ne trouvent leur pleine explication que grâce à la prise en considération conjointe des aspects de la personnalité prémorbide. Ainsi, l'organicité pourra en particulier exacerber les mécanismes de défense d'un sujet névrotique, révéler la dépression la mauvaise tolérance à la frustration ou la fragilité narcissique du sujet, ou mettre en évidence encore, notamment par des troubles de la vigilance et du jugement, l'imparfaite appréhension du réel, jusque-là latente, d'un sujet prépsychotique.

La perte de la liquidité mentale chez l'organique se caractérise par la viscosité mentale, la tendance à la persévération et l'incapacité à manier la pensée abstraite. La viscosité mentale ou adhésivité avait déjà été décrite chez l'épileptique par Mme Minkowska (1922-1936) sous le terme de "glyschroïdie". La pensée a perdu sa souplesse, évolue avec lenteur et difficulté ayant de la peine à passer d'une idée à l'autre t à s'adapter. Aucun élément n'est superflu, et chaque donnée a besoin d'être considérée par l'organique dans toutes ses ramifications avec les nombreuses digressions que cela implique. Ceci donne au discours un aspect ralenti, pédant et verbeux.

Des hallucinations peuvent également faire partie du syndrome psycho-organique. Souvent visuelles par baisse du niveau de vigilance ou atteinte du lobe occipital ou temporal, ou des voies optiques, elles peuvent être également cénesthésiques dans les lésions pariétales, olfactives, gustatives ou auditives particulièrement en cas d'atteinte du lobe temporal étroitement relié a système limbique qui semble être la région la plus fertile en syndromes psycho-sensoriels. Les hallucinations des syndromes neurologiques sont généralement élémentaires, non structurées, mais peuvent également être complexes dans les atteintes temporo-pariéto-occipitales.

Le terme de troubles "organiques" s'avère complexe à analyser et l'on peut en donner au moins deux définitions : il peut s'agir soit de troubles psychiques d'étiologie organique, physique, par opposition à ceux d'étiologie psychogène, soit de troubles accompagnés de lésions cérébrales objectivables, par opposition au troubles "fonctionnels" sans altération cérébrale repérable et dont on ne peut préjuger de l'étiologie, organique ou psychogénétique. Comme le remarque M. Bleuler, seule cette seconde acception du terme "troubles organiques" peut, dans l'état actuel de nos connaissances, être utile sur le plan clinique.

... le traumatisme organique va affecter la personne dans son ensemble, et la réaction psychologique à ce "trauma" va pouvoir révéler des traits de personnalité parfois jusque-là réprimés, et mobiliser les différents mécanismes de défense propres au sujet. Ainsi une personnalité fragile, mal structurée, dont les mécanismes de défense contiennent difficilement les tendances pathologiques, semble pouvoir provoquer par sa décompensation, des réactions psychopathologiques qui rendent le tableau plus parlant, plus riche sur le plan psychiatrique que lorsque la personnalité du sujet est plus solide et mieux organisée.

Les auteurs ont insisté sur la fréquente difficulté à diagnostiquer les troubles de l'humeur symptomatiques d'une organicité. ainsi, de même que certaines dépressions prennent l'allure d'une détérioration organique, de même certaines dépressions d'origine organique prennent le masque d'une dépression de type psychogénétique, et nous pourrions faire correspondre à la notion de "dépression masquée", celle de "détérioration masquée". En faveur de l'organicité, on peut retenir : une labilité du trouble de l'humeur qui l'oppose au caractère souvent soutenu et diffus de la dépression névrotique ou endogène.

Les états oniroïdes
Ce sont des états de sub-confusion avec sentiment de déréel, d'étrangeté de l'ambiance et de la situation, éléments de dépersonnalisation et hallucinations diverses. Principalement décrits dans le syndrome psycho-organique aigu, secondaire à une toxi-infection, ils peuvent se rencontrer aussi dans le cadre d'un psycho-syndrome organique chronique. Nous en rapprocherons les états crépusculaires épileptiques ou "états du rêve" (dreamy state), états oniroïdes paroxystiques par lésion du lobe temporal.

Dans le cas d'une organicité cérébrale, il semble que, d'une part, chaque individu a, elon son type de personnalité, une aptitude plus ou moins grande à "compenser" les effets des lésiosncéébrales [...] et se montrera plus ou moins réistant au risque de décompensation introduit par le processus organique et que, d'autre part, cette organicité peut faciliter la libération de traits de personnalité jusque-)là contrôlés, ainsi que la mobilisation de mécanismes de défense propres à chaque individu.

... nous verrons que l'on peut schématiquement opposer les tenants d'une conception plutôt "restrictive" du syndrome, dont la cohésion structurale s'affirme nettement (ne serait-ce qu'autour du concept comme celui de "démence", et les partisans d'une conception plus "extensive", qui prend, semble-t-il, plus fidèlement en compte sa diversité clinique, mais lui fait perdre de sa cohésion au point que l'on puisse légitimement tenter de distinguer différents syndromes psycho-organiques.