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Citation de Pibook


Pierre  Foglia
Avertissement de Pibook: si vous trouvez le texte trop long, rendez-vous directement au dernier paragraphe qui mérite toutefois, selon moi, la mise en contexte qui le précède.

Enfant, j'avais pour voisine une petite fille qui s'appelait Françoise mais je me souviens mieux de sa maman, madame Romanens, la madame la plus gentille de notre rue, je n'en revenais pas d'une maman aussi gentille, je l'aurais échangée contre la mienne n'importe quand. [...] Quand elle s'est mariée, Françoise a acheté la maison juste en face de chez mes parents, au 18. Nous étions au 13. Quand je venais en visite (du Canada), je voyais parfois un petit gamin dans la cour, le gamin de Françoise. Cela remonte à très loin. Je n'ai pas entendu parler des Romanens depuis au moins 250 ans... Jusqu'à hier. Hier, j'ai reçu un courriel du petit gamin qui doit bien être dans la cinquantaine maintenant. "Bonjour M. Foglia, je m'appelle Gilles B, j'habite Crancey en France, un petit village près de Romilly, je vous lis sur internet, je me suis aperçu que vous parliez parfois de Romilly où vous avez habité rue Paul-Bert. [...]. Vous trouverez en pièces jointes trois photos. Cordialement".

Les trois photos montrent la même scène, c'est dimanche à Romilly fin des années 50. Les Romanens ont invité à dîner les Grosmère et les Foglia. Sur la nappe à carreaux, les vestiges d'un repas, des raisins dans un plat qui doivent venir de notre vigne et deux bouteilles de mousseux qu'on s'apprête à servir avec le dessert. Ma mère est assise au bout de la table, pour la photo mon père se tient debout à côté d'elle, il a passé un bras autour de son cou, presque en amoureux, je ne les ai jamais vus comme ça. Non, je ne suis pas sur la photo, je dois être à l'armée. Ou peut-être déjà au Canada. Ma mère doit avoir 60 ans, mon père un peu plus. Elle porte une robe-blouse boutonnée sur le devant et imprimée de petits coeurs. C'est effrayant ce qu'elle me ressemble.

J'ai remercié le monsieur de ses photos, je lui ai dit qu'elles avaient fait surgir le passé (et ses ombres), mais ce n'est pas exact, elles ne l'ont pas fait surgir, elles l'ont aboli. La distance qui sépare le passé du présent est abolie quand sur une photo en noir et blanc tes parents, formidablement vieux, sont dix ans plus jeunes que toi.
Journal montréalais La Presse, samedi 25 mai 2013, chronique "Courrier".
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