Pierre de Marbeuf

SONNET À PHILIS


1

L’ on se trompe, anciens, d’écrire qu’en vostre âge
L’amour n’avait point d’yeux , il en avoit deux beaux :
Mais vous n’avez pas veu ces celestes flambeaux,
Desquels depuis vint ans il a perdu l’usage :

Amoureux, aprenez comment ce dieu volage
Voulut perdre le feu de ces astres gemeaux :
Ne blâmez mes discours pour estre trop nouveaux,
Philis a de mes vers le vivant témoignage.

Lors que Philis nâquit, pour l’orner de beauté,
Chaque Dieu d’un rayon de sa divinité,
Favorisa le point de sa belle naissance.

Mais voulant surpasser l’effort de leur puissance,
Pour luy faire un present, Cupidon aima mieux
En devenir aueugle, & luy donner ses yeux.