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Citation de Medelie


Jeanne se lève irritée et nerveuse. Quoiqu'il ne fasse aucunement froid, elle commute le radiateur électrique, sans savoir pourquoi, puis s'approche de la vaste lueur violacée qui illumine la cheminée. Elle prend une nouvelle cigarette et l'allume. Ses doigts tremblent. Elle sent en elle une colère sourdre, et la maîtrise avec difficulté.
Elle se tient debout, maintenant, le sourcil froncé et la face dure.
Son corps svelte s'enlève sur des lumières contrariées. On perçoit, à travers la jupe, la lueur du foyer et les longues jambes sont convergentes en un angle très aigu.
Elle tire brutalement sur la cigarette. Comme la chaleur lui apporte une sensation déplaisante, elle se secoue d'une nerveuse saccade. Georges Mexme admire un instant sa femme irritée. Mais brusquement les aspects voluptueux de ce grand corps souple éveillent en lui la bête mâle...
Le désir envahit ses méninges. Le sang monte en poussées fortes jusqu'à ses tempes gonflées. Une sorte de bouillonnement dans son cerveau efface peu à peu toutes les idées... Une seule flamme subsiste, ardente et croissante...
Inconsciente de l'action qu'elle produit sur son mari, Jeanne Mexme se tourne pour regarder elle ne sait quoi sur la cheminée. Elle lutte en son tréfonds pour ne pas dire mille choses qui seront pénibles et ouvriront un fossé entre les époux. Les Pétroles Narbonnais lui semblent un vaste abîme où va s'effondre le destin de la banque, et le sien... Georges s'est levé...
— Quoi ? Laissez-moi, mon ami... Je ne suis pas d'humeur à faire de la lutte à mains plates.
Elle crie d'une voix sèche qui claque dans la pièce bien close.
Son mari la tient par les hanches...
— Jeanne, ne te fâche pas. Tu es si belle, en ce moment...
— Reste donc à m'admirer de ton fauteuil, dit-elle, à demi-désarmée.
— Mais, Jeanne, il m'est impossible de t'admirer de loin...
Il esquisse un geste précis. Jeanne recule violemment.
— Laissez-moi, je vous prie. Vous avez des façons de paysan troussant une servante d'auberge...
Les deux époux sont face à face. Lui, un peu hagard, lutte contre un rut qui le mène. Sa volonté organique le pousse à saisir sans parler, à jeter à terre et à prendre cette magnifique créature faite pour la joie des hommes. La certitude d'être vainqueur tend en lui toutes les forces de l'être, en un désir brutal et incœrcible.
Elle sent le danger de repousser fermement son mari. Mais elle ne s'abandonne pas. Les dents serrées, elle le regarde avec un mépris énorme... Pour un peu elle aimerait plutôt le tuer...
Georges tient sur l'épaule féminine sa main de lutteur, bandée de muscles. Il veut poser l'autre sur les reins, là où commence ma cambrure plus bas épanouie dans la croupe géminée.
— Jeanne !... Jeanne !...
La voix de l'homme perd le nuancement du langage articulé. C'est maintenant une sorte d'aboi rauque. Dans l'âme virile monte comme un flux rapide l'instinct primitif, le réflexe de la bête attirée par sa femelle et qui ne connaît plus rien, hors son appétit sexuel.
— Non... Georges... Laissez-moi !...
Jeanne, d'une poussée, éloigne son mari. Mais lui revient, furieux comme un félin blessé. Il se jette sur elle.
— Vous me faites mal... Georges.
Il ne répond pas. Les mots et le langage humain ne sont plus à portée des actions animales qui occupent tout son cerveau. Son corps entier est une baliste, et seul le geste d'amour accompli saura ramener l'homme en cette bête farouche.
Il parvient à étreindre sa femme de ses deux bras rigides. Elle se défend, blême et haletante. Il veut la soumettre et plie en arrière, puis en avant, le corps souple et frémissant. Il tire si violemment sur la ceinture de la robe que tout vient en une large déchirure montant jusqu'aux seins. Il n'est pourtant pas encore devant la chair nue, encore scellée, mais qui l'attire férocement.
Sans dire un mot, elle tente de se dégager par petits gestes prestes et agiles. Ils bataillent ainsi trois minutes. Elle tient l'homme à distance et la conquête n'avance pas...
Alors, dans une colère bestiale, il empoigne toutes les étoffes qui le séparent encore de cette chair nue qu'il immobiliserait par la mort plutôt que de l'abandonner. Il se tend en un effort de prisonnier faisant éclater ses menottes. Un crissement atteste la défaite des soies et des lions. Une sorte de large baie lacérée s'ouvre dans les vêtures de Jeanne. La jeune femme pousse un cri de douleur et se replie comme un serpent. Alors, attirées invinciblement par la nudité entrevue, les deux mains du mâle descendent vers cette plaie de soie, où, tout près, il sait trouver la femme même...
Mais Jeanne a vu le double geste commencer. Avant qu'il soit achevé elle a glissé hors l'étreinte de son mari.
Elle bondit derrière le guéridon aux liqueurs et s'arrête en maintenant d'une main son cœur affolé. Elle est couleur de craie et ses yeux flamboient. Si son mari veut encore s'approcher, elle lui casse sur la face cette bouteille de liqueur.
Lui, désemparé, congestionné et stupide, reste béant, chu soudain dans une sorte de coma. L'intelligence revient lentement en son cerveau bouleversé.
Alors Jeanne saute vers la porte, l'ouvre et va sortir. Elle dit toutefois :
— Mon cher ami, si vous traitez vos affaires de finance aussi intelligemment que votre femme, toutes vous joueront quelque vilain tour...
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