Paysanne du Vercors, de Gabriel Cousin
La pièce de terre est si pentue que la moisson se fait à la faucille, à genoux, poignée par poignée.
Aujourd'hui la femme est allée briser les mottes des sillons bruns. La fatigue l'a prise là, comme un amant impétueux.
Et sur la pente, face au vide, dans le seul bruit du torrent tout en bas, elle dort.
Elle dort à même sa terre trop coriace pour être abandonnée, trop dure pour être vendue, trop pénible pour être oubliée.
Elle dort sous le regard des faces nord encore gelées dans l'odeur d'étable, de silex et de sueur, au milieu de ses jupons, comme une bête humaine.
Elle dort sous l'écriture des réacteurs qui là-haut incisent la glace du ciel, gravant leurs sillons blancs.
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