Amour d’amour
VI
Silencieusement en foule
Vous crevez la toile de fond
Et la flamme de vos regards
Éclaire un sombre corridor
Je vous salue resplendissantes
Rosaces de l’altier vitrail
Immobiles en votre course
Aucune à nulle autre pareille
Et pourtant vous vous rassemblez
En un seul et même visage
Je vous retrouve et je vous perds
Je vous enserre et vous fuyez
Si je vous fuis vous revenez
Seul de vos ailes un duvet
Restait parfois entre mes doigts
Trop impalpable à mon toucher
Pour mon plaisir et pour le vôtre
J’ai parcouru mainte contrée
Géographie de votre corps
Je fus curieux naïf rusé
Vous m’appeliez et j’accourais
Après l’étreinte les baisers
Je ne trouvais qu’un souvenir
Très loin perdu dans ma mémoire
Où l’avenir et le passé
Se conjuraient pour qui trahir
Vous m’appeliez sur un bel air
De belle fête ou de tristesse
Or jamais dupe je ne fus
Ne voyiez-vous mon ironie
Etinceler sous mon sourire
Au vrai ce soir je me résigne
Et je vous dis Adieu Adieu
Si par hasard l’une de vous
Plus résolue poussait la porte
Je me tairai m’effacerai
Je deviendrai moi-même une ombre
Peut-être même je rirai
Sans savoir de joie ou de peine
À voir l’autre ombre déroutée
Or j’aurai dit vraiment Adieu
À majuscule et point final
…
// André Verdet (1913 - 2004)