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Citation de Charybde2


Elle me rendait fou, principalement à cause de la lenteur avec laquelle elle exprimait ses idées. En plus, je remarquais avec effroi que son bégaiement était contagieux, que moi aussi je bégayais, et cela me désespérait car j’avais misé toute possibilité d’accomplissement et de succès sur les enregistrements ; j’avais espoir que ces discours que je jetais à toute vitesse sur l’enregistreur me rendraient célèbre. Par exemple : je marchais dans la rue et me demandais : « Que suis-je ? » Immédiatement, je me répondais : « Je suis un parasite, un inutile, un bon à rien, je vis avec ma femme au crochet des autres ; je suis né pour servir de laquais, pour exercer les tâches les plus viles : m’occuper de dames malades, jouer les entremetteurs de plage, faire le photographe extorqueur. Oui, c’est indéniable, je suis un bon à rien et n’ai d’autre remède que vivre d’une subvention que mon beau-frère m’allonge tous les mois. »
Mais lorsque de telles pensées me conduisaient à une prostration totale, tel un flambeau au milieu des ténèbres, l’enregistreur se présentait à moi ; alors l’appareil me rachetait de tout sentiment de culpabilité et je me disais à moi-même : « Tu n’es pas un parasite, tu es simplement un créateur qui parcourt le monde en quête d’expériences, et tous tes échecs, tu les a cherchés avec intelligence et préméditation pour les coucher ensuite sur bande magnétique. »
Mais le bégaiement d’Eugenia annulait ma seule possibilité de succès, je voyais mon vertigineux cerveau devenir chaque jour plus lent, il me fallait alors boire du whismaté pour lui redonner de l’élan. Je préparais un mélange de whisky et de maté que je passais au mixeur avant de le boire glacé avec une paille. Le whismaté me rendait hypersensible, me permettant de m’immerger en profondeur dans les grandes questions de la vie.
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