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Citation de Partemps


En dehors de la poésie et des nouvelles, vous avez écrit des essais...
Oui, mais il y a de ça longtemps. C'était Otras inquisiciones6
. Mais après ça, je n'ai plus écrit
d'essais. Des prologues, une série de préfaces, postfaces. C'est très bref, toujours une page, deux
pages... Les essais, je les ai laissés de côté. Je pense que nécessairement ils reflétaient mes
opinions, et les opinions c'est ce qu'il y a de plus superficiel chez un homme, non ? On peut passer
d'une opinion à l'autre, d'une idée politique à l'autre, d'une religion à l'autre. Ce qui est important,
c'est ce quelque chose que nous ne pouvons pas définir, mais qui est là.
Pourquoi ne vous êtes-vous jamais intéressé au roman ni au théâtre ?
Commençons par le roman. Je n'ai pas écrit de roman, car j'ai lu fort peu de romans. J'ai lu
évidemment Conrad, Dickens, Tolstoï, Dostoïevski, Don Quichotte, mais je ne suis pas un lecteur
de romans. Alors, n'étant pas lecteur de romans, ce qui aurait été assez étrange, c'est que je me
sois proposé d'écrire un roman. Et pour le théâtre, d'abord je vois mal, je suis aveugle à présent.
Mais j'ai toujours préféré la lecture. Par exemple, j'ai lu Shaw, Ibsen, Corneille, Racine,
Shakespeare, et quand je suis allé au théâtre, je sortais déçu.
Je préfère toujours la lecture du théâtre au spectacle. Mais dans le cas d’O'Neill, c'est différent. Je
me souviens avoir lu une pièce de lui, Le grand Dieu Brown, et je me suis dit : "tout ceci est idiot,
cette histoire avec des masques..." Eh bien, après avoir lu le matin cette pièce, je l'ai vue le soir au
théâtre. J'étais très ému. O'Neill écrit pour la scène, pas pour la lecture. Shakespeare faisait de
même ; il n'a jamais songé à publier. Pour lui, la publication, c'était le théâtre. Je ne suis ni un
spectateur, ni un lecteur de romans, tandis que j'ai passé ma vie à lire des contes, des nouvelles,
de la poésie. J'ai versé bien des larmes. Ma mémoire est pleine de citations, de vers en espagnol,
en français, anglais, même en ancien anglais, en anglo-saxon. Mon allemand est celui d'un lecteur.
Chez nous, on parlait indifféremment espagnol ou anglais. Une de mes grand-mères était anglaise,
mon père parlait toujours anglais.
Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez dédié votre vie à la littérature. Ecrire, c'est un
métier, un sacrifice ?
Non, c'est un plaisir. Quand j'ai commencé à écrire, je m'efforçais, comme tous les jeunes gens,
d'écrire des pages célèbres, d'inventer des métaphores ; je cherchais des épithètes surprenantes.
Tandis qu'à présent, non. Ce qui m'intéresse quand j'écris, c'est que cela coule. Je me rappelle
cette phrase si belle de Boileau; il disait qu'il avait appris à Molière "l'art de faire difficilement des
vers faciles." En tout cas, je crois que la prose et les vers doivent être faciles, la difficulté est une
erreur. Sauf dans le cas d'Henri James, parce que ce qu'il recherche, c'est l'ambiguïté. Chaque
texte d'Henri James peut être lu de différentes façons.
Dans le prologue de L'Invention de Morel7
, œuvre de votre ami Bioy Casares, vous dites : "II
ne me semble pas que ce soit une inexactitude ou une hyperbole de la qualifier de parfaite".
De Funes ou la mémoire8
et de Le Sud9
vous dites qu'elles sont vos "nouvelles les moins
imparfaites". Qu'est-ce à dire ?
Cela veut dire que je suis un homme lucide, un homme sensé. Je ne sais pas si je pourrais
construire un livre comme L'Invention de Morel ; quant à ces histoires-là, je les aime. L'Invention de
Morel est un livre... construit. Non, ce n'est pas le mot. C'est un livre, disons organisé. Tandis que
dans le cas de Funes ou la mémoire, dans le cas de Le Sud… Quand j'écrivais ce texte-là, je
pensais à Henri James. Et alors, je voulais écrire un texte qui fût capable de trois interprétations. Et
puis, il y a des gens qui en ont trouvé une quatrième.
Mais que voulez-vous dire par "perfection" ?
Je pense que dans le cas des contes de Kipling, on a l'impression qu'il n'y a aucun mot de trop,
que tout était senti et pensé par l'auteur. C'est ça la perfection. Ou peut-être, on ne devrait pas
employer le mot de perfection ; qu'on écrive une ligne, qu'on écrive un conte, et cela est bien ou mal.
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