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Citation de Partemps


Si une chose est bien, alors elle est parfaite. Je crois que la beauté, en tout cas en littérature, est
assez commune. J'ai l'impression que des poètes, qui ne sont pas considérables, nous ont laissé de
beaux vers; et si un vers n'est pas beau, alors c'est un vers raté. Il y a une prière de Cansino
Assens, écrivain andalou, qui s'est fait juif. Il dit : "O Señor que no haya tanta belleza". C'est à dire
qu'il est accablé par la beauté, et il prie Dieu qu'il n'y ait pas tant de beauté. Peut-être pour un vrai
poète - personne n'est arrivé à être un vrai poète, mais enfin ! - chaque moment serait beau, même
des moments de douleur, d'angoisse, tout cela a une beauté. Si l'on pouvait sentir l'univers comme
ça.... Chesterton a dit que l'univers est une série de miracles. II avait le droit de le dire, je ne l'ai
pas. Je ne le sens pas comme une série de miracles, mais parfois comme une série de différentes
formes de la tristesse.
Vous vous êtes beaucoup intéressé à la philologie. Qu'est-ce-que cela vous a apporté ?
En tout cas de belles trouvailles. Par exemple, j'ai découvert, peut-être il y a un an, ce mot si
désagréable : la nausée. Cela vient de "navis" en latin, donc le mot navire peut donner un mot très
laid comme nausée, mais aussi nautique, naval... Il y a une autre racine, je ne sais pas si je vous en
ai parlé. C'est assez étrange : vous avez le mot "black" en anglais. Cela signifie "noir". Vous avez
en français le mot "blanc", en espagnol "blanco", en italien "bianco", en portugais "branco", et en
allemand "blanch", ça veut dire "quelque chose qui resplendit". Eh bien, c'est le même mot, parce
qu'en vieil anglais "black" signifiait "sans couleur", et ce mot est allé en Angleterre du côté de
l'obscurité; dans les langues romanes, c'est allé du côté de la clarté. C'est drôle, non ?
Mais par rapport à la littérature, que vous a apporté la philologie ?
J'ai parfois la tentation d'employer un mot selon son étymologie, mais je crois que c'est faux. Ce
sens d'un mot, l'ambiance, la connotation d'un mot, n'a rien à faire avec l'étymologie. Il y a des
écrivains qui ont usé de mots selon leur étymologie, et cela ne réussit pas. Le lecteur ne pense pas
à l'étymologie, mais au sens du mot. Quand on écrit, on doit penser au lecteur, à ses habitudes.
Dans un entretien avec Napoléon Murat
10, vous avez dit : "Les Français ont... disons une idée
mathématique des langues". Que vouliez-vous dire ?
J'ai dit ça ? Non, je crois que les Français ont tendance à penser à l'histoire de la littérature. C'està-dire qu'ils tentent d'écrire en fonction de l'histoire de la littérature, en fonction du passé. C'est-àdire qu'ils sont très conscients de ce qu'ils font. Ils savent par exemple qu'ils écrivent après l'époque
classique, le romantisme, le symbolisme. Ils tendent à se situer dans l'histoire de la littérature,
tandis que les Anglais sont très individualistes, ils ne tâchent pas de se classifier. Les Français
sont plus intellectuels, alors le Français cherche et trouve sa place dans la littérature.
Vous êtes un admirateur de Flaubert...
Surtout de Bouvard et Pécuchet. Et du premier chapitre, car après, le livre tombe. Après, c'est un
peu mécanique, on sait qu'ils ont de grands projets...
Vous souleviez un jour cette expression de Flaubert : "le mot juste". Cette idée vous séduit,
non ?
Elle m'a séduit dans le temps, à présent non. Je crois que si on cherche le mot juste, on court le
danger de ne trouver que le mot surprenant. Et cela est une erreur, je crois.
Et l'Aleph, c'est quoi ? La recherche de l'aleph ?
Non, quand j'ai écrit l'Aleph11, j'ai songé aux possibilités littéraires de penser de la même façon que
l'éternité existe, c'est à dire un moment où tous les moments du passé, tout le présent, tout l'avenir,
est là. On pouvait imaginer un tout petit point où se concentre l'espace entier.
Pas de rapport avec le "mot" ?
Oui, le mot est un beau nom, le "ph" cela est bien. Puis, je crois que c'est un nombre fini. Et puis, le
mot "aleph", surtout quand on le voit écrit, A.L.E.P.H., c'est joli, et le son est beau aussi. Et puis, je
voulais employer un mot hébreu.
Mais vous avez beaucoup de goût pour certains mots, j'en ai relevé en traduction...
Oh ! La traduction améliore mes livres, sans doute. Surtout quand Nestor Ibarra l’a fait ! ...
J'ai relevé des mots comme "palimpseste", "apocryphe", "vernaculaire", vous les employez
souvent.
Vous êtes la première personne qui me fait cette réflexion-là. Tout le monde pense au tigre, au
miroir. C'est vrai...
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