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Citation de Partemps


Le palimpseste surtout, qui est un objet un peu étonnant, particulier.
Je crois que j'ai trouvé ce mot-là chez de Quincey. Il dit que "la mémoire est un palimpseste", qu'il
y a toujours un mot écrit sur l'autre, et que notre mémoire contient tout notre passé. Et qu'il faut
certains stimulants pour provoquer cela. Je dirais que tout notre passé est dans notre mémoire,
évidemment enterré au fond du palimpseste. Le palimpseste, oui, c'est un beau mot. Le sens du
mot palimpseste est très riche : de plusieurs écritures superposées, qui se cachent et se
renouvellent continuellement. Donc, on aurait une espèce d'édifice, de textes écrits l'un sur l'autre.
C'est l'histoire de la littérature peut-être...
Ici, à Buenos Aires, je parle avec des gens de lettres, ou qui se disent des gens de lettres, ils ne
peuvent distinguer un vers de dix syllabes d'un alexandrin. C'est très étrange. Quand ils écrivent de
la prose, des phrases très maladroites, ils ne se rendent pas compte. J'assiste à présent à ce
déclin, surtout ici à Buenos Aires. Tout le monde commence par faire des vers libres, parce qu'ils
croient que c'est très facile. Et c'est plus difficile que le vers régulier ! Mais il faut que cela sonne
bien, et ils doivent inventer les cadences. Ils écrivent des poèmes qu'ils ne savent pas lire à haute
voix. Et même les gens deviennent de plus en plus ignorants chaque jour, du moins ici. J'espère
que les choses vont mieux ailleurs.
Depuis quelques années, vous dictez vos récits. Est-ce-que cela a changé quelque chose
pour vous ?
Non, je ne crois pas, car je fais des brouillons mentaux. Avant de dicter une phrase, je la polis et la
repolis, et tout cela dans ma tête. "Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez-le sans
cesse, et repolissez-le". Boileau ! C'est étrange le cas de Boileau : tout le monde le méprise, mais
tout le monde le sait par cœur. Donc, il a quelque chose de mémorable en tout cas.
Entre un brouillon écrit et un brouillon mental, il n'y a pas de différence, de problème?
Non, il n'y a pas de problème. Enfin, je veux le croire, si je veux continuer à écrire. Dans un livre,
j'ai lu que Kipling le faisait aussi. Il faisait un brouillon mental qu'il polissait et puis, quand il écrivait,
ce n'était pas la première étape. Il y avait beaucoup de textes antérieurs qui n'ont pas été écrits.
Vous lisez plusieurs langues ?
Avant d'être aveugle, je lisais facilement l'allemand. J'ai lu La divine comédie en italien, sans en
parler un mot. Les éditions de Dante sont excellentes. J'étais professeur de littérature anglaise, j'ai
eu l'occasion de manier des éditions de Shakespeare; elles ne peuvent pas se comparer aux
éditions italiennes. Ils sont très sérieux. J'ai une demi-douzaine d'exemplaires de La divine
comédie, et dans chaque livre, et pour chaque vers, il y a une note. Donc, si vous ne comprenez
pas le vers, vous comprenez la note. Ça n'arrive pas dans les éditions de Hamlet par exemple.
Cela vous a permis de lire dans la langue originale. Peu de gens le peuvent, ou le font...
Dans le cas d'un poète, je crois que c'est essentiel. Chez un poète, ce n'est pas le sens lit téral qui
a de la valeur; ce qui est important, c'est la cadence, la voix du poète, l'intonation. "Word's music",
la musique verbale. C'est ça qui est important, bien plus que les idées, que les sentiments même.
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