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Citation de ninamarijo


Seuls ses pleurs restaient gravés dans la mémoire de Dorrigo Evans. Le son de quelque chose qui se brisait. Leur rythme décroissant lui avait rappelé le martèlement sur le sol des pattes arrière d'un lapin pris au piège, seul bruit qu'il connaissait s'en rapprochant. Il avait neuf ans, était entré pour montrer à sa mère une cloque de sang sous l'ongle de son pouce, et ne connaissait rien de comparable ou presque. Il n'avait vu qu'une fois un homme pleurer, spectacle sidérant quand son frère Tom était descendu du train à son retour de la Grande Guerre en France. Il avait jeté son paquetage sur le ballast brûlant et brusquement éclaté en sanglots.
Regardant son frère, Dorrigo Evans s'était demandé ce qui pouvait faire pleurer un homme. Plus tard, les pleurs devinrent une mode et les émotions un théâtre où les acteurs ne savaient plus qui ils étaient dès qu'ils quittaient la scène. Dorrigo Evans vivrait assez longtemps pour assister à ces changements. Et il se souviendrait de l'époque où les gens avaient honte de pleurer. Peur de la fragilité que trahissaient les larmes. Peur des ennuis qu'elles causaient. Il vivrait assez longtemps pour voir des individus recevoir des félicitations qu'ils ne méritaient pas, simplement parce que la vérité aurait pu froisser leurs sentiments.
Le soir du retour de Tom, on avait brûlé le Kaiser dans un feu de joie. Tom ne disait rien de la guerre, des Allemands, des gaz, des chars et des tranchées dont chacun avait entendu parler. Il ne disait rien du tout. Les sentiments d'un homme ne sont pas toujours à la hauteur de ce qu'est la vie. Parfois ils ne sont pas à la hauteur de grand-chose. Tom s'était borné à contempler les flammes.
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