Malemer, mer stable et fermée à la foudre comme à l'aile – mer prégnante et aveugle à ce que tu enfantes,
emporte-moi loin du courant de la mémoire – et de la longue flottaison des souvenirs ;
hale-moi dans ta nuit tactile – plus loin dans ton opacité que la double cécité de l'oeil et de l'oreille ;
malemer, toi qui ne montes plus sur la touffe fleurie des prés – comme une pensée fatiguée des images,
toi, qui ne laboures plus les grèves au cliquetis des cailloux – remuement de pensées au hasard des vocables.
Toi que n'enchaîne plus la chaîne des marées – ni le bref honneur des révoltes verticales,
que je sois en toi ce nageur rituel et couché – comme un secret aux plis des étoffes sourdes ;
sans foulée calculée – que je circule par tes chemins sans arrivages,
malemer – rature mon visage et noie cette larme où se refont les clartés,
que j'oublie en toi les frontières ambiguës de mon propre jour – et la lucide distance du soleil.