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Citation de Tandarica


Rodica Draghincescu
EX(o)ilium

Qu’est-ce que j’ai pris
Dans ma valise au départ ?
Des cicatrices, des astuces,
Misère sociale, démons affectifs,
Des vices et des contes de fée


Langue du départ
Avec des maux de l’autre côté du mot :
Amuïs, meurtris, maudits,
Mots itinéraires.


Qu’est-ce que j’ai gardé
Dans ma valise à l’arrivée ?
Les batiks colorés de ma mère,
Le dor * des lieux miteux,
Un proverbe éphémère
La fièvre des maladies essayées,
Les gâteaux en terre, saupoudrés de glaise,
Les premiers jouets en bois et en laine,
Les pluies rares, les vents et les gels de la pousta,*
Les bécasses et les cigognes couvant des toits rebelles.
Les tambours et les feux dans les rues, à Noël


Langue de l’arrivée
Avec des mots miroirs :
Avoir ou être, naître ou mourir,
Être ou avoir, mourir ou naître,
Pas de temps à gagner,
Pas de temps à perdre.


La langue n’est plus
Dans ce cas-ci l’organe du cœur
Mais celui du savoir
Et celui du pouvoir.


Où es-tu lieu de naissance
Quand tu deviens in- tranquillité
Endroit sur une carte postale
Sans droit à l’avenir, jamais postée,
Trace emmagasinée dans le fond des pupilles,
Trace éloignée dans l’espace de l’écrit


Sans patrie, rabougrie, cachée, isolée,
Seule avec le monde, triée et tirée au sort,
Trace irréelle dans sa propre réalité,
Trace immonde dans sa propre propreté,
En état d’infériorité ou de supériorité,
D’opacité ou de transparence héroïque


Langue du départ
Avec des maux de l’autre côté du mot :
Amuïs, meurtris, maudits,
Mots itinéraires, mots de terre.


Où suis-je moi entre tous ces pays
Toujours à la fenêtre, à la frontière,
Toujours en marge et en marche,
Toujours grave,
Trop grande ou trop petite,
Pédante ou perdante,
Telle une mouche cognitive


Langue de l’arrivée
Avec des mots miroirs :
Avoir ou être, naître ou mourir,
Être ou avoir, mourir ou naître,
Pas de temps à gagner,
Pas de temps à perdre.


Où es-tu lieu de naissance,
Quand tu deviens seulement voyance
Dessin, ligne à plaire et à émouvoir
Endroit creux dans la main effrayée,
Paysage de passage, débris d’image
Vides ou pleins de boue burlesque
Au-dessus desquels le peintre a collé
Ses fresques de jeune artiste :


Dessins, lignes à plaire et à émouvoir,
Un dé, un dada, une nounou et des
Rendez-vous manqués.


Langue du départ
Avec des maux de l’autre côté du mot :
Amuïs, meurtris, maudits,
Mots de terre, itinéraires.


Où es-tu lieu mis à nu
Avec ton dieu athée noceur
Déraciné et de mauvaise humeur,
Qui dansait la ronde du néant
Ses ailes trop humaines, trop décalées,
Esquissant des indulgences d’un nuage à l’autre
Avoir ou être, naître ou mourir,
Être ou avoir, mourir ou naître,


Où êtes-vous mes jeux d’oublis et de glissements de sens
J'entendais frapper aux portes de mon enfance
Avec vos borgnes bolcheviks tricolores ?
Vos silences et vos larmes de culpabilité
Votre mélancolie rouge, en rupture de syllabes,
Dont on avait peur d’un souvenir à l’autre.


Votre amabilité d’apôtres du néam*,
Votre insomnie à vie, acide


Où est-ce que vous êtes tous ceux que
J’entendais frapper aux portes de mon enfance ?
Comme une ode, comme un hymne,
Comme une chanson à boire :


Avoir ou être, naître ou mourir,
Être ou avoir, mourir ou naître,
……………………………………
Amnéville, le 8/15 septembre 2009
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