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Citation de enkidu_


Il est à Istanbul une personnalité hors du commun qui a œuvré peut-être plus efficacement que quiconque pour la réha­bilitation de l’art traditionnel turc et musulman : Nuri H. Arlasez, couramment appelé Nuri bey, descendant d’une vieille famille de « deunmehs », ces juifs cabalistes de Salonique convertis à l’Islam au XVIIe siècle à la suite du fameux Sabbatai Zevi qui s’était proclamé messie, avait constitué une collection unique de chefs-d’œuvre à l’époque toute récente où la société turque, entichée d’occidentalisme, semblait avoir perdu toute notion de la valeur de son propre patrimoine culturel. Il en a donné la plus grande partie au Musée des arts turcs et musul­mans attenant à la merveilleuse mosquée Suleymaniye, enparticulier quelque deux cent cinquante manuscrits enluminés témoignant de la prodigieuse maîtrise atteinte par les calligraphes ottomans dans cet art si typiquement islamique.

Attiré par sa réputation, je suis allé voir Nuri bey chez lui, à Ortakôy, faubourg d’Istanbul voisin du gigantesque pont suspendu enjambant le Bosphore. Sous ses fenêtres, le tinta­marre de la circulation ne parvient pas à troubler la sérénité de ce sexagénaire au regard clair et d’aspect ascétique. Avant de me montrer quelques-uns de ses trésors et de conter leur découverte, il tient à préciser quelques notions fondamentales sur l’art et notamment sur ce qui oppose ses formes tradition­nelles aux conceptions modernes.

— Dans une société traditionnelle, l’art n’est pas une fin en soi ; c’est un moyen de parvenir à un but qui est l’Un. En revanche, dans la société contemporaine, l’art est son propre but ; en conséquence il s’égare dans l’extravagance. L’artiste traditionnel tend à l’anéantissement de son ego et son art est lié à la quiétude intérieure. Il se préparait autrefois au travail par la purification, de manière à être en paix avec soi-même et avec le monde. Au contraire l’art moderne est marqué par l’inquiétude et l’angoisse ; c’est son propre ego que l’artiste contemporain tend à exalter et ce sont ses problèmes person­nels qu’il exprime, sans pouvoir s’élever à un plus haut niveau.

L’artiste musulman, pour sa part, accepte ce qui vient du Ciel, car Islam signifie acceptation ; il devient un instrument dans la main de Dieu. Possédant la paix intérieure, il met en pratique cette vérité déjà énoncée par la Bhagavad Gita : « Qui ne dérange pas le monde n'est pas non plus dérangé par lui » (pp. 143-144)
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