AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Roland Pfefferkorn (13)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Laïcité

L’« identité française » ou une histoire d’une métamorphose réactionnaire



« Un retour sur la construction historique de la laïcité permet de mesurer à quel point on a assisté, au cours des dernières décennies, à un grand renversement : l’aspiration émancipatrice initiale, certes inaboutie, s’est métamorphosée en son contraire : une laïcité identitaire et discriminante. » Dans son introduction, Roland Pfefferkorn présente le contenu du livre. En premier lieu, l’histoire singulière du long processus de laïcisation de l’Etat, « La laïcisation touche spécifiquement l’État et les institutions publiques, en premier lieu l’école, elle est à distinguer de la sécularisation qui concerne les sociétés dans leur ensemble ». La seconde partie porte « sur les avancées de la laïcité historique vers la liberté de conscience et la séparation des Églises et de l’État. Les lois laïques scolaires de 1882 et 1886 permettront de dégager des tutelles religieuses les programmes, les locaux et les personnels. La loi de 1905 parachèvera le processus ». L’auteur souligne les deux ensembles de principes contenus dans cette loi : « séparation des Églises et de l’État et neutralité des pouvoirs publics en matière religieuse ; liberté de conscience, y compris religieuse, et égalité de tous, croyants et non-croyants ». A noter que l’imprégnation religieuse – la croyance – est encore présente dans la formulation qui semble en faire une référence (C’est en regard de la croyance que sont défini·es les « non-croyant·es »). La troisième partie traite « des points aveugles ou des impensés de cette République laïque, présumée porteuse de valeurs universelles et de progrès », du nationalisme guerrier, des « assouplissements, accommodements et arrangements obtenus par l’Eglise catholique depuis la fin des années 1950 », sans oublier un « dévoiement identitaire et autoritaire de la laïcité historique » plus récent ; une reconfiguration de laïcité support à la discrimination des populations considérées comme musulmanes…

Je souligne la différence entre sécularisation de la société et laïcisation de l’Etat, l’histoire particulière et la forte résistance de l’Eglise catholique, la loi de 1905 qui n’est pas ce que certain·es nous expliquent, l’actualité de la séparation des Eglises et de l’Etat.



Je choisis de mettre l’accent sur certains éléments et d’élargir les propos sur certains points (comme je l’ai précédemment fait sur la croyance) sans pré-juger d’accord ou non avec l’auteur.

Pour commencer la lecture, je propose de regarder du coté du débat sur le port de la soutane (page 43 et suivantes), de la pittoresque proposition de Charles Chabert d’interdir le port de la soutane. Comme le souligne Roland Pfefferkorn : « Par-delà la dimension pittoresque de l’argumentation développée par le député Chabert en 1905, le lecteur contemporain remarquera aisément qu’il suffit dans les propos précédents, de remplacer le mot soutane par voile ou foulard pou retrouver, presque mot à mot, les arguments mobilisés par les partisans de l’interdiction du fameux « foulard » ». Chacun·e pourra s’interroger sur les liens supposés entre les vêtements, les parures, les habitudes vestimentaires (dont les contraintes fortement sexuées) des citoyen·nes et la séparation des Eglises et de l’Etat !



Par ailleurs, comme l’indique l’auteur, « Dans certains pays, comme la Grande-Bretagne, le processus de sécularisation a primé celui de la laïcisation. Ce fut l’inverse en France » Il me semble aussi bien utile de revenir sur les processus de sécularisation d’hier et d’aujourd’hui, processus toujours en cours à travers le monde, alors que l’attention est trop souvent mise sur la religiosité, à ne pas confondre avec les choix politiques de fondamentalistes au pouvoir ou voulant conquérir le pouvoir. Et cette sécularisation n’est pas réductible au triomphe de l’individualisme néo-libéral et au fétichisme de la marchandise généralisée. Elle est aussi construite par des combats sociaux pour l’égalité et la liberté…



Une longue marche vers la sécularisation et la laïcisation

Roland Pfefferkorn aborde, entre autres, l’histoire de la Réforme aux Lumières, la perte du monopole religieux en Europe, le modèle catholique d’intolérance, l’affirmation de liberté de conscience en matière religieuse, l’apparition d’une morale profane, la sécularisation des sociétés européennes, l’affaiblissement « voire la perte de pertinence sociale » des univers religieux, l’apport et les contradictions des Lumières, la volonté de « limiter les prétentions des Eglises à régir les sphères intellectuelles, politiques et civiles », les ruptures construites par la révolution de 1789 et leurs limites, la tradition gallicane, l’invention de l’entité abstraite qu’est la nation, les registres d’état civil, le mariage civil devenant la forme légale du mariage (à noter qu’encore aujourd’hui, certains Etats considérés comme démocratiques ne connaissent pas ces institutions civiles), le droit au divorce, les écoles, le concordat de 1801 et le second empire, « Le concordat marque un coup d’arrêt au processus de la laïcisation issu de la Révolution » (une œuvre du « bien aimé » et néanmoins sanguinaire Napoléon), l’emprise catholique sur l’enseignement, la Loi Falloux de 1850, « La Loi Falloux renforce considérablement l’emprise de l’Eglise catholique sur l’enseignement primaire et secondaire », le renouveau de l’anticléricalisme, les radicaux et les républicains modérés, « Les deux s’accordent cependant sur l’enseignement laïque qu’ils défendent et qu’ils souhaitent développer et ils sont plutôt favorables à la séparation de l’Eglise et de l’Etat »…



Vers la liberté de conscience et la séparation des églises et de l’Etat

L’auteur nous rappelle les décisions de la Commune, « La Commune de Paris insurgé avait proclame la séparation des Eglises et de l’Etat et interdit l’enseignement confessionnel le 2 avril 1871 ». Il analyse les lois scolaires de la fin du XIXe siècle, « l’aboutissement d’une exigence ancienne et de luttes qui dépassent le cadre français », la laïcité « des programmes, des locaux et des personnels », la différence entre la « puissance publique » et les élèves, le contexte international et national de la Loi de 1905.



Roland Pfefferkorn souligne, entre autres, la montée de la sécularisation de la société, la déchristianisation du mouvement ouvrier, les effets de l’affaire Dreyfus. « La loi adoptée en décembre 1905 est le résultat d’un compromis entre différents projets républicains de séparation ».

Si nature du compromis et sa validité historique peut-être discuté, si des actualisations de la laïcité auraient du être débattues, si d’autres lois auraient pu – non restreindre la séparation mais en modifier les contours, prenant en compte les effets de la sécularisation – il me semble important d’insister sur le mot et l’idée de compromis et la dynamique possible de ceux-ci. L’idée principale reste la liberté de conscience et la séparation des pouvoirs institutionnels des églises et de l’Etat. Ce qui ne dit rien sur les pratiques religieuses, privées et publiques. L’Etat et ses institutions n’ont aucun droit de regard sur les fonctionnements des instances religieuses « non délictueuses » (la pédocriminalité relève des tribunaux de justice et non des organismes internes aux religions). En tant que citoyen·es, nous pouvons prendre position contre le séparatisme sexuel dans les instances relevant des religions ; mais l’Etat – par ailleurs bien mal placé sur ce sujet – ne doit pas intervenir sur les choix des communautés cléricales. Nous pouvons et devons combattre les prises de positions contre l’égalité et la liberté de maints ministres du culte et des religions instituées, mais les organismes d’Etat n’ont pas à s’immiscer dans la production des lignes « morales et politiques » de ces mêmes religieux, etc. Sans oublier que nous devons soutenir toutes les luttes des personnes contre les contraintes imposées, au nom de la foi, de la tradition, des coutumes, etc.



Donc indépendance réciproque entre les Eglises et l’Etat, liberté de conscience intégrant la liberté religieuse, « y compris dans sa dimension collective et publique », libres expressions des convictions religieuses « dans les limites du droit commun ». L’auteur indique que la Loi de 1905 anticipe des exigences conventionnelles contemporaines, « L’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme, précise que le droit à la liberté de religion implique « la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou collectivement » en public et en privé ». La laïcité a instauré une rupture dans une logique politique libérale, « Elle est conçue comme un dispositif visant la liberté (de pensée, d’opinion, de culte) et l’égalité (égalité de traitement de toutes et tous indépendamment des croyances de chacun) ». C’est dans ce développement que l’auteur revient sur les débats sur le port de la soutane que j’ai précédemment évoqué.



Les représentants de l’Eglise catholique furent et restent souvent hostiles à Loi de 1905. Pour eux, la loi commune ne saurait dépendre des choix démocratiques. Dit autrement, ces représentants auto-proclamés de dieu, exigent que leurs choix soient imposés, y compris par la force du goupillon sans oublier l’aide du sabre. Le propre de ces entreprises fortement masculinistes et élitaires, n’est clairement pas la démocratie. Mais ce prononcer contre la démocratie ou pour sa limitation est une chose, exiger des appareils d’Etat de contribuer à son effacement en est une autre…

Il ne faut pas oublier le régime des cultes dans les colonies était en contradiction à la Loi de 1905, c’est un « des points aveugles de la politique laïque de la 3e République »



Impensés, catho-laïcité et tournant identitaire

Je me souviens de ces dames avec des cornettes qu’il fallait nommer « ma soeur » dans un hôpital, de cet aumônier dans un lycée public qui ne supportait pas que je l’appelle « monsieur », de ces écoles primaires non mixtes que j’ai fréquenté, de l’interdiction du port du pantalon pour les filles, des cloches qui me cassaient les oreilles au gré des messes de certain·es. Je n’oublie pas ces fêtes non chômées parce que n’étant pas chrétiennes, que cela soit Kippour, l’Aid ou le Nouvel an chinois, etc.

Dans la troisième partie, Roland Pfefferkorn aborde, entre autres, les points aveugles de la politique laïque de la 3e République, la non inscription de cette politique « dans une perspective d’émancipation humaine plus large », le suffrage masculin baptisé universel, « La laïcité scolaire est corsetée par une double, voire triple, séparation, filles/garçons, primaire/secondaire-supérieur, enfants de colons/enfants d’indigènes », l’absence de laïcité dans les colonies (et qu’en est-il aujourd’hui dans les poussières de l’empire ?), la défense par Jules Ferry ou Paul Bert de l’expansion coloniale et de l’inégalité raciale (que des institutions scolaires portent encore leurs noms est un scandale), la scolarisation des filles à part sans oublier que « La filière réservée aux filles dans le secondaire ne prépare pas à la poursuite d’études dans le supérieur », le déni des droits des femmes dans de nombreux domaines (toujours actuel et non une spécialité réservée aux organismes religieux), l’occultation et le maintien de la domination de classe, la hiérarchisation des scolarités, « A l’école, l’idéal laïque qui s’inscrit dans les rapports de classe existants ne vise pas à les remettre en cause », la religion de la patrie, la Loi Lalouette et le « régime de séparation évolutif », le renoncement à étendre les loi scolaires laïques et la Loi de 1905 à l’Alsace-Moselle, les privilèges maintenus ou accordés à certains cultes, « Ces statuts non laïques sont des objets juridiques dérogatoires au droit français qui contreviennent au principe de l’égalité des citoyens devant la loi », et, cependant l’accélération de « la déprise religieuse ».



L’auteur insiste à juste titre sur la construction par des lois d’une « catho-laïcité », le nouveau rituel politico-religieux mis en place, la législation favorable à l’enseignement privé, l’obligation de participer à son financement, la Loi de 2004 et l’extension abusive de la « neutralité » aux usager·es, le glissement sémantique du foulard au « voile » puis au « voile islamique », les ré-élaborations d’un sens national conservateur, l’exhibition de l’islamophobie sur la scène publique, la fabrication d’une version identitaire et communautaire de la laïcité, les récits mythiques et la laïcité falsifiée, la construction « d’une altérité déviante qui s’étend à l’ensemble des musulmans », sans oublier la néo-laïcité excluante de la droite extrême…



Pour conclure. Une rupture identitaire et discriminatoire avec la laïcité historique

Si la Loi de 1905 « avait une visée de liberté, d’égalité et d’apaisement du conflit séculaire entre Etat et religion », ce n’est pas le cas de différentes autres lois, en particulier depuis 2004. Roland Pfefferkorn discute des campagnes « anti-voile », de l’islamophobie décomplexée, de la construction de la parole « de l’homme blanc déculpabilisé », de la soi-disant « invasion migratoire » (mais il ne s’agit pas des plus de deux millions de français·es vivant à l’étranger), de la criminalisation des militant·es antiracistes, des entraves au droit d’association, des actes de police administrative, de la loi « séparatisme », de la négation de fait de la laïcité historique, du contrôle étatique sur les cultes musulmans, du renforcement de la proximité de l’Etat avec l’Eglise catholique, de la remise en cause de l’idée même de laïcité…



Un petit livre très utile pour situer les débats, comprendre les différences entre sécularisation et laïcité, analyser les constructions historiques et institutionnelles, s’armer contre les pouvoirs envahissants des Eglises et des fondamentalistes religieux divers ou les lectures excluantes et liberticides des évangélistes néolibéraux ou identitaires. Le combat pour l’égalité et la liberté, pour l’émancipation, ne saurait faire l’impasse sur la liberté de conscience, ici et ailleurs – et sur les nécessaires aménagements sociaux ou les accommodements raisonnables pour y parvenir. Il suffit de constater l’argumentation répétée sur la complémentarité des sexes contre l’égalité des personnes, l’acharnement de certains gouvernements et du pape des catholiques, par exemple, contre les droits sexuels et reproductifs des femmes (dont le droit à l’avortement) au nom de dieu, pour comprendre que le combat pour la laïcité n’est point clos (je n’oublie pas la main mise de l’église catholique sur de nombreux lieux d’enseignement sur le territoire français) mais aussi que la laïcité n’est pas ce que certain·es voudraient nous faire « croire »…




Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          90
Genre et rapports sociaux de sexe

« Le mouvement des femmes a été à l’origine d’une effervescence théorique qui s’est traduite par la production d’un corpus de concepts extrêmement riche. Ces élaborations ont permis de rompre avec l’idéologie de la complémentarité ”naturelle” des sexes, de penser les rapports antagoniques entre le groupe des hommes et celui des femmes dans le but de les transformer. » Roland Pfefferkorn présente son livre : « L’objectif est de rendre compte de la diversité, de la richesse et des limites des analyses produites par les différents courants et auteures féministes et de rappeler quelques-uns des débats qui ont traversé le mouvement des femmes ».



Corpus très riche : patriarcat, mode de production domestique, travail domestique, travail productif et reproductif, échange économico-sexuel, division sexuelle du travail, sexe social, sexage, classe de sexe, etc… « La diversité des conceptualisations tient d’abord au caractère multidimensionnel de l’oppression qui renvoie à la fois à l’exploitation, à la domination, à la discrimination et à la stigmatisation. »



Quelques auteures : Christine Delphy, Nicole-Claude Mathieu, Colette Guillaumin, Paola Tabet, Danielle Kergoat, Helena Hirata, Delphine Gardey, Ilana Löwy, Eleni Varikas, Jules Falquet, Elsa Dorlin, etc…



Sans partager toutes les présentations de l’auteur, je tiens néanmoins à souligner sa volonté d’exhaustivité et la clarté de l’exposé. Sa critique des dérives autour du concept de genre, tout en étant juste, sous-estime les ambiguïtés des autres formulations, en particulier dans le monde universitaire. Le problème n’est pas, à mon avis, lié au sens multiple des mots, mais à leurs usages séparés du point de vue des femmes, du féministe, comme pratique subversive de l’organisation sociale. Dans le dernier chapitre « Division sexuelle du travail et rapports sociaux de sexe », l’auteur argumente sur la pertinence et sa préférence pour l’utilisation du concept de rapports sociaux de sexe, son lien avec la division sexuelle du travail, le travail pouvant être défini comme la« production de la société ».



Je partage ce que dit Danielle Kergoat et l’auteur sur les caractères consubstantiels et co-extensifs des rapports sociaux : « en se déployant, les rapports sociaux de classe, de genre, de ”race”, se reproduisent et se co-produisent mutuellement ».



Cependant, rien n’assure que cette conceptualisation permette à elle seule, de ne pas oublier le féminisme dans les orientations stratégiques émancipatrices, sans parler des débats politiques concrets.



Quoiqu’il en soit, je ne pense pas qu’un concept puisse totalement, intégrer, d’un coté les dimensions variées de l’asymétrie, de l’exploitation, de la domination, de l’oppression et de l’autre, permettre d’exprimer les leviers possibles de l’émancipation.

« L’oppression des femmes résulte d’un fonctionnement systémique qui n’est en aucun cas réductible au système capitaliste », Il est donc regrettable que les dimensions sexuées des rapports sociaux ne soient pas systématiquement pris en compte par les universitaires et les groupes se réclamant de l’émancipation.



Cette courte mais dense présentation des théorisations matérialistes féministes, « construire des concepts nouveaux pour penser les rapports antagoniques entre la classe des hommes et celle des femmes », me semble à la fois synthétique et suffisamment diversifiée, pour une première approche de l’histoire de certains débats. Elle ne saurait dispenser de lire et d’étudier les textes produits par les féministes elles-mêmes.
Commenter  J’apprécie          60
Résistances et émancipation des femmes du Sud

Résister à la marchandisation, repousser les limites de l’imaginaire, (se) construire des espaces d’autonomie





« Chacune des dimensions de la vie des femmes comme des hommes, et de la reproduction des sociétés humaines, est affectées par ce « devenir-monde du capitalisme » (Bihr, 2006) : les relations des êtres humains entre eux, les rapports sociaux (de sexe, de classe, de race, de génération) dans lesquels ces relations s’inscrivent (Pfefferkorn, 2007, 2016), les relations que ces êtres humains entretiennent avec la biosphère »



Dans leur introduction, Laurence Granchamp et Roland Pfefferkorn mettent l’accent, entre autres, sur la façon dont la reproduction sociale, dans ses dimensions individuelles et collectives, est affectée par les dynamiques du capitalisme mondialisé, « Elles fragilisent et minent plus particulièrement certains groupes de femmes et mettent en danger les ressources naturelles de nombreux territoires ».



Elle et il n’en restent pas à l’étude des effets de la mondialisation, mais interrogent « les multiples fragmentations des rapports sociaux à l’oeuvre à travers différentes formes de mise au travail des femmes et/ou de catégories de population plus ou moins marginalisées ».



Extension du marché du travail, transformation brutale des possibilités et conditions de vie, emplois précaires et vulnérables, activités informelles, place de l’espace domestique, mise en compétition généralisée, « La mondialisation capitaliste ne crée pas, mais exacerbe les dimensions spatiales de la division sexuelle du travail ».



Extension des formes marchandes, aggravation des logiques extractivistes, « Les textes rassemblées ici interrogent l’accès des femmes aux ressources et leur prise en charge de la reproduction sociale quand elles s’impliquent dans la défense des conditions matérielles qu’elles prodiguent aux plus vulnérables ». Mais aussi processus d’autonomisation des femmes, résistances, réhabilitation des savoirs et cultures spécifiques…



Il faut à la fois refuser l’essentialisation des femmes dans un renvoi à la « nature » ou dans une réduction à des êtres assignés à des fonctions considérées comme naturelles, penser « la crise environnementale et la subordination des femmes de façon indissociable », souligner la résurgence de pensées porteuses d’autres références, soutenir les luttes concrètes pour défendre des communs ou l’agroécologie, réinterroger les contradictions engendrées par la mise au travail (autonomie, émancipation, subordination, contraintes, accès aux ressources et aux moyens de productions, etc.), sans oublier la « persistance de l’invisibilité du travail et des activités féminines ».



Les différents textes permettent d’approfondir, entre autres, les rapports des groupes sociaux locaux « au territoire, comme aux temporalités et aux milieux naturels », les contradictions entre aspirations à la « modernité » et attachement à des « valeurs traditionnelles », les dynamiques souvent peu visibles, les conflits, les effets de disciplinarisation ou d’auto-exploitation, les politiques institutionnelles de genre, les normes prônées d’émancipation reposant sur des considérants très libéraux et individualistes, les ruptures biographiques, les migrations, les zones franches et les maquiladoras, l’accroissement du travail domestique non rémunéré, le creusement des inégalités entre femmes, les structures des foyers et leurs effets, la prostitution, le tourisme, les corps sexualisés, l’hypersexualisation et la marchandisation, l’imbrication du sexisme et du racisme, les théorisations écoféministes, la sécurité alimentaire, les chaines opératoires dans l’artisanat, les problèmes de mobilité, le commun comme imbrication de rapports sociaux…



Je souligne aussi le « brouillage » des normes d’emploi, la multitude des statuts ou de situations « au delà des catégories d’informalité et de formalité », l’utilisation du corps dans les « échanges économico-sexuels », l’agglutinement de noyaux familiaux incapables de décohabiter pour cause de pénurie de logements.



« Les différentes contributions rassemblées dans cet ouvrage soulignent la multiplicité et la diversité des trajectoires selon les catégories de femmes, les marges de manœuvre pouvant varier fortement, certaines catégories de femmes étant fortement contraintes sur la plupart des plans, d’autres pouvant trouver des ressources pour avancer vers une autonomie plus grande ».



S’appuyer sur les possibles construits dans certaines sociétés, en particulier sur la gestion des communs ou des rapports à l’environnement, ne devrait cependant pas conduire à sur-valoriser ces sociétés dites « traditionnelles ». Celles-ci sont bien inscrites dans l’histoire, modelées aussi par leurs rapports aux autres, traversées par des rapports sociaux parfois de très grandes violences. Des mondes ont bien été fracassés par le colonialisme, les évangélistes armés, puis par la marchandisation. Il est cependant plus que discutable que les sociétés où les êtres humains sont hiérarchises par leur(s) statut(s) puissent être des modèles pour l’émancipation indissociablement individuelle (donc d’un procès d’individuation) et collective.



« Etudier ensemble, et non de façon dissociée, production et reproduction, toujours à la lumière des rapports sociaux de sexe, de race, de classe, et de génération éclaire non seulement les rapports de domination et d’exploitation, mais aussi les marges de manœuvre des actrices et les formes de résistance »




Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          30
Genre et rapports sociaux de sexe

Dans l’introduction (voir sur le blog "entre les lignes entre les mots" Roland Pfefferkorn parle, entre autres, d’une riche production de concepts, de rupture avec « la complémentarité « naturelle » des sexes », des obstacles au mouvement pour l’égalité (l’égalité n’est pas d’ores et déjà advenue), de « chaine internationale du care », de racisation du sexisme, d’antiféminisme larvé, de dimension sexuée dans les sciences sociales « la dimension sexuée reste longtemps au second plan, quand elle n’est pas absente, en tant qu’axe stratégique de réflexion et d’investigation », de produits de rapports historiques et sociaux, de conflits au sein de la « société conjugale », de salarisation, de séparation et de hiérarchisation, d’articulation des différents rapports sociaux, « rapport de classe, de sexe, de racisation » comme nécessité…



Suite à ma lecture de la première édition, j’avais rédigé une note (https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2012/05/22/les-rapports-de-sexe-de-classe-de-racisation-interagissent-les-uns-sur-les-autres-et-structurent-ensemble-la-totalite-du-champ-social/)

Je n’ai pas confronté les deux éditions. Je ne reprends pas ici ce que j’avais écrit, même si sur certains points, je ne m’exprimerai plus de la même façon.



Je voudrais néanmoins souligner la force de certaines analyses : la place du travail (salarié et domestique), le caractère systémique de l’oppression des femmes et son caractère non-réductible au capitalisme, la « dialectique production/reproduction », la socialisation différentielle des sexes.



Il me semble que certaines parties sont particulièrement intéressantes : rapports sociaux, division sexuelle du travail, production historiques particulières, coextensivité et consubstantialité des rapports sociaux, « La première originalité du concept de rapports sociaux de sexe par rapport à d’autres conceptualisations (en termes de système de sexe / genre ou de mode de production domestique par exemple) réside dans le fait qu’il est construit explicitement en articulant de manière co-extensive et consubstantielle les rapports de classe, les rapports de sexe et les rapports de racisation » (En complément possible : Danièle Kergoat : Se battre disent-elles…), histoire et critique de la notion de genre, limites des théorisations queer, etc.



Par ailleurs, je signale que je ne partage pas certaines appréciations sur des textes de Geneviève Fraisse, Judith Butler, Monique Wittig, Joan Scott, par exemple.



Dans sa postface (voir sur blog "entre les lignes entre les mots), Catherine Vidal indique que « Le clivage entre les sexes élaboré par les philosophes, théologiens, historiens et naturalistes des siècles passés est perçu par beaucoup comme le reflet d’une nature humaine éternelle. ». Elle aborde, entre autres, les questions de « plasticité cérébrale », de la capacité du cerveau humain à se façonner selon l’histoire propre de chacun-e, « Rien n’est à jamais figé ni programmé dans le cerveau depuis la naissance », d’environnement sexué, d’interactions physiques ou orales, de dépassement du « dilemme classique qui tend à opposer nature et culture », de la biologisation des comportements humains, de l’origine des « différences »…



Je reproduit ma précédente « conclusion » : « L’oppression des femmes résulte d’un fonctionnement systémique qui n’est en aucun cas réductible au système capitaliste ». Il est donc regrettable que les dimensions sexuées des rapports sociaux ne soient pas systématiquement pris en compte par les universitaires et les groupes se réclamant de l’émancipation.



Cette courte mais dense présentation des théorisations matérialistes féministes, « construire des concepts nouveaux pour penser les rapports antagoniques entre la classe des hommes et celle des femmes », me semble à la fois synthétique et suffisamment diversifiée, pour une première approche de l’histoire de certains débats. Elle ne saurait dispenser de lire et d’étudier les textes produits par les féministes elles-mêmes.
Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          30
Travail et rapports sociaux de sexe : Renco..

En introduction, Xavier Dunezat, Jacqueline Heinen, Helena Hirata et Roland Pfefferkorn soulignent les « points forts d’un itinéraire théorique et empirique » : les caractéristiques et l’évolution des pratiques revendicatives ouvrières, l’idée que la classe ouvrière a deux sexes, la théorisation de la division sexuelle du travail, la dimension contrainte du travail à temps partiel, la prise en compte de la subjectivité, la question du rapport à l’autre et celle de la construction d’un collectif, la coextensivité et la consubstantialité des rapports sociaux de sexe, de classe et de « race » / ethnie, le travail d’édition et présentent succinctement le contenu de l’ouvrage.



J’indique, en premier lieu, la « chaleur » qui se dégage des différents textes, dans ce livre-hommage aux travaux et la personne de Danièle Kergoat. La plupart des intervenant-e-s la nomme d’ailleurs simplement « Danièle »…



Le livre est divisé en sept parties :

Rapports sociaux de sexe

Division sexuelle du travail

Travail et subjectivité

Croiser les disciplines

Par delà les frontières

Mouvements sociaux et résistance

Transmettre

et se termine par un poétique « Il était une fois », en guise d’épilogue.



Je n’aborde que certains points, comme invitation à se réapproprier des éléments incontournables, pour analyser les fondements matériels (incluant les dimensions idéelles) des rapports sociaux…



Rapports sociaux (« rapport signifie contradiction, antagonisme, lutte pour le pouvoir, refus de considérer que les systèmes dominants (capitalisme, patriarcat) sont totalement déterminants et que les pratiques sociales ne font que refléter ces déterminations ») et non simple juxtaposition de relations interpersonnelles, rapport social comme « contradiction vivante, perpétuellement en voie de modification, de re-création », conception non réduite de la notion de travail (« le travail comme production du ‘vivre’ et comme production de soi »), division sexuelle du travail… Et un regard tourné vers l’émancipation « si le social fabrique, il peut aussi défaire, et pas seulement les classes sociales ! » et une invitation à « détecter les germes d’utopie dans les situations présentes ».



Rapports sociaux et refus de les hiérarchiser, « La consubstantialité, c’est l’entrecroisement dynamique complexe de l’ensemble des rapports sociaux, chacun imprimant sa marque sur les autres ; ils se modulent les uns les autres, se construisent de façon réciproque », « La coextensivité quant à elle, renvoie au dynamisme des rapports sociaux puisque ce concept veut rendre compte du fait que les rapports sociaux se coproduisent mutuellement », effets sociaux du féminisme comme mouvement social, pratiques sociales collectives, stratégies de résistance des groupes dominés « saisies dans leur dynamique temporelle et spatiale »…



Les deux sexes de la classe ouvrière ou la dimension sexuée de la classe laborieuse, la dissymétrie des pratiques et des représentations sociales, le rapport à l’autre dans l’acte de travailler, la double face du travail, le travail invisible de soins et du souci des autres, le consentement et le rappel de Geneviève Fraisse que celui-ci « ne peut tenir lieu d’argument politique », les affects à l’oeuvre, « l’activité de travail est production de soi », subjectivité et travail…



Le personnel est politique, le sujet incarné dans une expérience située, la résistance du réel des rapports sociaux de sexe, les compétences invisibilisées des femmes, l’économie érotique des collègues, l’invisible qui fait mal…



Lip, Bulledor, les mouvements sociaux, les infirmières et leur coordination, le « mouvement social sexué »…



Sans oublier la collection legenredumonde à La dispute, dont certains ouvrages sont chroniqués sur ce blog…



Un invitation à lire et relire les travaux de Danièle Kergoat, à parler des rapports sociaux et de leur coextensivité et consubstantialité, à revenir sur le travail et la division sexuelle du travail, à ne jamais négliger les résistances toujours présentes…



« un potentiel émancipateur et des pratiques subversives sont bien plus présentes dans la réalité qu’il n’y paraît… »
Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          30
Chemins de l'émancipation et rapports sociaux..

L’objet du livre est de « rendre compte à la fois des aspirations croissantes à l’autonomie et à l’émancipation et des logiques de domination qui y font obstacle. »



Pour commencer, les auteur-e-s rappellent que « La société est donc toujours plus et autre chose que la simple somme des individus qui la composent et les rapports entre individus ne peuvent en aucun cas se réduire à la ”guerre de tous contre tous” de l’univers concurrentiel » et qu’il convient d’analyser les transformations permanentes, des rapports sociaux de sexe, de classe de ”race” et de génération.



Les auteur-e-s soulignent la nécessité de s’écarter de visions unilatérales, des conceptions sans contradictions ou trop lisses de la production des individus et de leurs relations.



Car c’est à travers des activités et actions réciproques « à travers ces complexes de relations en permanente recomposition que les individus produisent sans cesse collectivement la société dans laquelle ils vivent, tout en se produisant eux-mêmes », sans oublier que « les rapports sociaux et leur imbrication ne peuvent être pensés uniquement comme source de domination mais doivent l’être, dans le même temps, comme potentiellement porteur d’émancipation. »



Ce qui, bien évidemment, ne signifie pas accepter la version néo-libérale de la sur valorisation de l’individu, sans attache, rationnellement intervenant sur les marchés de libre concurrence « Les sujets individuels sont censés pouvoir manifester en toutes circonstances une indépendance personnelle alors même que la dépendance impersonnelle s’impose en permanence à la plupart d’entre eux et que se développe la pression sociale poussant à l’individualisation. »



Je ne présente ici que la première partie du livre « Comment penser les rapports entre l’individuel et le collectif ? ».



Dans le premier texte « Individu, groupe, collectif : quelques éléments de réflexion », Danièle Kergoat analyse entre autres, les barrages spécifiques à la constitution du collectif. Des trois cas présentés (jeunes ouvriers immigrés, ouvrières non qualifiées et coordination infirmière, je souligne la conclusion du second « Nous disons donc que ce groupe d’ouvrières non qualifiées est à la fois, dans la quotidienneté, un vecteur privilégié de la reproduction des rapports de sexe, et dans la lutte, une fois transformé en ”collectif”, un support pour remettre en question la totalité du social puisque tant la simultanéité de la lutte contre l’exploitation et l’oppression que celle de l’exposition positive du je et du nous sont des nécessités incontournables pour la survie même de cette lutte. »



A propos de la coordination infirmière, l’auteure souligne que les rôles sociaux demandés aux travailleuses sont des « rôles féminins renvoyant là encore à des qualités plus qu’à des qualifications, et renvoyant en plus à des qualités individuelles » qui induit pour passer de la demande à la revendication d’opérer préalablement une dissociation entre rôles féminins et qualités individuelles d’une part, et rôle professionnel, d’autre part.



Pour une analyse plus approfondie de ces mécanismes, je renvoie à l’ouvrage de Danièle Kergoat, Françoise Imbert, Hélène Le Doaré et Danièle Senotier : Les infirmières et leur coordination, 1988-1989 (Editions Lamarre, Paris 1992).



Le second article « Régimes de genre et dispositions : une piste d’analyse. L’exemple des contextes sportifs » de Christine Menesson décrypte les configurations du collectif, les modèles de représentation, les rapports de pouvoir et les politiques identitaires, la division sexuée du travail et les matrices de socialisation. L’auteure peut alors cerner les effets individuels des socialisations successives et concomitantes. En conclusion, s’appuyant tout à la fois sur les travaux de Danielle Kergoat et d’Elsa Dorlin, elle souligne « la complexité des relations repérées incite à ne pas naturaliser les rapports de domination en isolant chaque rapport social et en pensant ses relations aux autres rapports sociaux de manière uniforme – additive ou inclusive – , mais bien à mobiliser réellement les concepts de consubstantialité et de coextensivité. »



Dans la seconde partie de l’ouvrage « Processus d’individualisation et dynamiques identitaires » sont abordés les liens entre précarisation et projet de retraite des migrantes, les dynamiques identitaires des femmes au sein d’une société musulmane.



La troisième partie du livre est consacrée aux « Parcours individuels et contraintes collectives. Quelle émancipation des femmes dans les mondes agricoles ? » et la quatrième revient sur « L’engagement dans le travail salarié : entre démobilisation et résistance ? »



Cet ouvrage met en perspective les liens entre individualisation et émancipation et souligne que l’émancipation implique la construction de nouvelles formes de collectifs.
Commenter  J’apprécie          20
Le système des inégalités

Notre société est segmentée, hiérarchisée et conflictuelle



« Les historiens futurs de cette société retiendront sans doute comme une de ses caractéristiques principales de la fin du XXe siècle et du début du XXIe le ralentissement, l’interruption, voire le retournement de la tendance pluridécennale antérieure de réduction des inégalités entre catégories sociales ». En introduction, Alain Bihr et Roland Pfefferkorn abordent la fin des années 70 et la mise en place de politiques néolibérales, la rupture avec le cadre socio-intitutionnel antérieur, le démantèlement de l’armature institutionnelle précédente, les débats sur ces questions. Ils nous rappellent que « les inégalités sociales ne sont ni ne peuvent être un objet consensuel ».



Les auteurs proposent une approche systémique et de ne pas en rester à des études extrêmement spécialisées, « Au contraire l’intelligence des inégalités suppose que l’on soit en mesure de comprendre les rapports qui existent entre elles : les manières dont elles se combinent se déterminent réciproquement, se renforcent en cumulant leurs effets, en tendant ainsi à se reproduire au cours d’une même existence ou d’une génération à une autre ».



Alain Bihr et Roland Pfefferkorn précisent le cadre de leur étude : « En premier lieu, nous ne traiterons ici que des inégalités entre catégories sociales. Or il existe aussi des inégalités entre hommes et femmes, entre classes d’âge et générations, entre nationaux et étrangers ou encore entre espaces sociaux (villes et campagnes, centres et périphéries, régions) qui certes, recoupent celle entre catégories sociales sans pour autant se réduire à ces dernières »



Un choix spécifié mais qui entraine de fait des simplifications. Les auteurs en sont conscients et renvoient à d’autres ouvrages, dont le livre de Céline Bessière et Sibylle Gollac : Le genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités. « Au-delà de leur caractère systémique, les inégalités se déclinent aussi suivant la classe, le sexe ou le genre, que la « race » ou la couleur, la génération ou la classe d’âge, l’espace et le territoire ». Le terme décliner me semble inadéquat. L’articulation des inégalités sociales, pour utiliser une autre formule des auteurs, relève plutôt de l’imbrication historique des rapports sociaux (dont les constructions institutionnelles). Les individus sont socialisé·es dans et par des hiérarchies sociales, des contraintes systémiques et leurs intériorisations. Cela ne va pas sans frottements, tensions, contradictions, bases de refus, de remises en cause, de révoltes.



Quoiqu’il en soit, il s’agit d’un livre plus qu’utile, loin des fantasmagories néolibérales, des soi-disants classes moyennes, de l’individu responsable de la construction de soi et de la négation des contraintes sociales qui structurent les relations sociales entre les êtres humains.



J’indique le sommaire avant de souligner les éléments principaux de la conclusion et ouvrir le débat sur certains points.



« Une inégalité sociale est le résultat d’une distribution inégale, au sens mathématique de l’expression, entre les membres d’une société, des ressources de cette dernière, distribution inégale due aux structures mêmes de cette société et faisant naître un sentiment, légitime ou non, d’injustice au sein de ses membres »



Chapitre I : Le champ des inégalités



Définition préliminaires de la notion d’inégalés sociales (Inégalité sociale et inégalité mathématique ; Multidimensionnalité et superficialité du champ des inégalités sociales ; Inégalités sociales, inégalités naturelles, inégalités individuelles ; Inégalité et injustice).



Le débat autour de la légitimité des inégalités sociales (L’inégalité comme loi ontologique et principe axiologique ; De la valorisation de l’égalité formelle à la justification des inégalités réelles ; Un curieux oxymore : l’égalité des chances ; L’inégalité, un mal dont peut naître un bien ?)



Les sources et les instruments d’analyse (Les limites de fait ; Les limites de principe)



La notion de système des inégalités



Chapitre II : Les interactions entre les inégalités



Un même effet, de multiples causes : les inégalités face à la santé (Les inégalités de mortalité et de morbidité entre catégories sociales ; L’incidence des conditions de travail ; L’incidence des modes de vie ; Le recours inégal au système de soins)



Une même cause, de multiples effets : les inégalités face au logement (Les exclus du logement ; Le coût du logement et le statut d’occupation ; la qualité des logements ; La situation des logements dans l’espace)



Tableau synoptique des interactions entre les inégalités



La hiérarchie des inégalités



Chapitre III : Pauvreté et richesse : le cumul des inégalités



Tableau synoptique des inégalités



Toujours moins : pauvreté, précarité et vulnérabilité



Toujours plus : fortune, pouvoir et prestige



Des indicateurs synthétiques d’inégalité ?



Chapitre IV : La reproduction des inégalités



Les tableaux de mobilité : limites et enseignements (La mobilité observée au début es années 2010 ; Une mobilité de circulation accrue, mais les trajets courts restent prédominants ; Mobilité subjective versus mobilité objective)



Les facteurs de l’hérédité sociale (Le patrimoine économique ; Le patrimoine culturel ; Le patrimoine social ; La taille et la composition des familles ; Le mariage)



En conclusion, Alain Bihr et Roland Pfefferkorn plaident « en faveur d’une lecture de cette société en termes de classes sociales ». Ils reviennent sur les segmentations et les hiérarchisations des sociétés contemporaines et donc sur les conflictualités. Ils soulignent les groupements inégalement dotés en ressources sociales, les cumuls d’handicaps ou d’avantages, les hiérarchies sociales, des mythes dont l’égalité des chances, les résultats « de politiques publiques et privés, menées sur la base de rapports de force entre les différents groupes sociaux », la conflictualité irréductible des société segmentées et hiérarchisées…



Je souligne que les auteurs, contrairement à beaucoup, analysent le « cumul » des inégalités tant du coté des plus défavorisé·es que des plus favorisé·es. Car pour qu’il puisse y avoir des couches sociales défavorisées il est nécessaire que d’autres – les couches sociales les plus favorisées – s’approprient une part de la richesse sans commune mesure avec leur part « démographique ». Il s’agit, au delà des mots, d’une rupture d’égalité (matérielle, sociale et politique, symbolique) tant dans l’ordre de l’avoir que dans l’ordre du pouvoir ou de l’ordre du savoir. Et celleux qui sont les plus favorisé·es n’entendent pas renoncer volontairement à leurs privilèges et à leur pouvoir – ce qui implique qu’il faudra bien trouver le moyen de confiner leur violence avant qu’iels ne l’exercent contre les choix démocratiques et l’égalité réelle…



Sans revenir sur les imbrications historiques des rapports sociaux et sur les structurations et les cumuls des inégalités, je voudrais discuter, sans préjuger d’accords ou de désaccords avec les auteurs, des nomenclatures (catégories) sociales, des termes mêmes d’ouvrier·es, de la production.



Les changements dans l’ordre productif capitaliste – que cela soit au niveau national ou international – les bouleversements des structures de production, les chaines de production de valeur ou les chaines de sous-traitance, la digitalisation d’opérations, les bouleversements de la division sociale du travail, le développement des secteurs dits informels ou des salarié·es par les Etats, les délocalisations industrielles et celles de travailleurs/travailleuses, ont aussi transformé les métiers et les emplois, donc les catégories sociales. (Sans oublier que Travailleuse n’est pas le féminin de travailleur), le terme « ouvrier e » ou « employé e » peut-il s’appliquer sans prendre en compte ces changements substantiels. Ou pour le dire autrement la prise en compte de l’histoire implique de prendre en compte les modifications des catégories sociales.



Sans entrer dans le débat proposée par Danièle Kergoat sur la production du vivre, je rappelle que pour des marxistes, le travail productif ne s’est jamais résumé à la production « matérielle » (lire par exemple : Isaak I. Roubine.

Enfin, les « gestions » possibles des conflictualités pour construire des alternatives démocratiques et majoritaires devraient être réinterrogées.



Je ne crois pas m’être vraiment éloigné du livre et de ses possibles.
Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          10
Etat / Travail / Famille:

Le genre des politiques de conciliation travail/famille et le maintien des hiérarchies dans les rapports sociaux de sexe



Dans leur introduction, Jacqueline Heinen, Helena Hirata et Roland Pfefferkorn soulignent que la notion de conciliation (articulation entre vie professionnelle et vie familiale) ne s’applique de fait qu’aux femmes. Cette notion est par ailleurs très critiquable, il vaut mieux mettre l’accent sur « sur la contradiction, la tension ou le conflit » car rien ne permet de supposer une harmonie dans les rapports sociaux. Elles et il, iels, abordent des politiques publiques, la prégnance de normes sociales, les configurations institutionnelles diverses et leurs contradictions, leurs effets…



Les textes proposés ont plusieurs objectifs : « Examiner, dans une optique historique, le rôle de l’État et des pouvoirs publics locaux ou régionaux quant à la configuration des rapports sociaux de sexe, dans la sphère du travail comme au sein de la famille – en lien, notamment, avec les facteurs démographiques et les fluctuations du marché de l’emploi. Analyser les diverses formes des modes de garde de la petite enfance et leurs effets contrastés pour les adultes concernés – les femmes, au premier chef – selon qu’il s’agit de services collectifs (crèches, maternelles) ou de dispositifs incitant à une prise en charge individuelle des jeunes enfants (congés parentaux de tous ordres, dégrèvements fiscaux favorisant l’emploi d’assistantes maternelles à domicile, etc.). Donner à voir divers modèles de répartition des tâches dans les activités de care(entre les hommes et les femmes et à l’intérieur du groupe des femmes) en fonction de la place assignée aux pères et aux mères, ainsi qu’en fonction des transformations économiques à l’échelle mondiale, de la polarisation Est-Ouest et Nord-Sud, et même Sud-Sud, ainsi que de l’importance et des caractéristiques des flux migratoires ».



Sommaire :

Dossier

Jacqueline Heinen, Helena Hirata, Roland Pfefferkorn : Politiques publiques et articulation vie professionnelle / vie familiale (Introduction)

Olivier Giraud, Barbara Lucas : Le renouveau des régimes de genre en Allemagne et en Suisse : bonjour ‘néo maternalisme’ ?

Fiona Williams, Constanza Tobío, Anna Gavanas : Migration et garde des enfants à domicile en Europe : questions de citoyenneté

Dorottya Szikra, Dorota Szelewa : Welfare et socialisme : de certains concepts relatifs au genre

Jacqueline Heinen : Les politiques familiales en Europe de l’Est : d’une époque à l’autre

Isabelle Attané, Catherine Scornet : Vers l’émancipation ? Politiques reproductives et condition des femmes en Chine et au Viêt-Nam

Bila Sorj, Adriana Fontes : Les politiques publiques au Brésil et l’articulation entre travail et famille. Une comparaison interrégionale

Hors-champ

Virginie Rozée : La domination masculine et l’image de la madresposa. L’exercice des droits reproductifs et sexuels des femmes boliviennes

Lecture d’une œuvre

Marie Garrau, Alice Le Goff : Différences et solidarités. À propos du parcours philosophique d’Iris Marion Young







Une remarque générale. Contrairement à la précision soulignée dans l’introduction, certain·es auteur·es semblent oublier l’extériorité socialement construite – ou dit autrement, leur auto-dispense – des hommes concernant l’articulation entre travail et « vie familiale » (travaux et soucis de ces travaux). Hors, on ne peut, il me semble, aborder les « gestions » féminines sans en signifier le fondement. Toute politique institutionnelle, ne s’affrontant pas à cette inégalité, ne peut que renforcer la naturalisation de la famille et la division sexuelle des tâches – et pas seulement dans la sphère privée. Les politiques publiques ayant pour objet « la vie professionnelle et la vie familiale » des seules femmes ne sont donc jamais que des politiques d’inégalité des citoyen·nes. Elles ne peuvent que conforter les hiérarchies dans les rapports sociaux de sexe.



Cela ne signifie cependant pas qu’elles n’aient pas d’effets immédiats et à terme, que les marges d’autonomie de femmes ne varient pas, que les contradictions à l’oeuvre ne se déplacent pas ou ne se reformulent pas. Il convient donc d’étudier ces différentes politiques publiques et leurs impacts dans le temps.



« Par-delà les efforts consentis dans tel ou tel pays pour promouvoir l’autonomie économique des femmes, se dégage en effet la persistance – à des degrés variables, il est vrai – de pratiques sexuées en matière de care et de prise en charge des jeunes enfants. Et ces inégalités sont d’autant plus sensibles qu’il s’agit de femmes migrantes ou issues des catégories sociales défavorisées. La dimension comparative des études menées a ceci d’heuristique qu’elle donne un aperçu de l’ampleur des changements indispensables, sur le plan politique comme sur celui des représentations, pour que les politiques familiales s’adressent aux hommes autant qu’aux femmes et pour que la mixité s’impose enfin dans les pratiques ».



D’autres débats seraient nécessaires autour de la baisse radicale du temps de travail salarié, la requalification importante des postes occupés par les femmes (et de leurs rémunérations) – il n’y a pas de tâche que certaines feraient « naturellement » -, un congé naissance/adoption obligatoire et rémunéré pour les parents, des équipements généralisés pour accueillir les enfants en bas âge (au passage, suppression de la notion d’école « maternelle »), des structures collectives où les personnes plus âgées pourraient garder leur autonomie tout en étant accompagnées en fonction de leurs besoins. Est-il besoin de préciser que les emplois du « care » devraient être mixtes et non très majoritairement occupés par des femmes – sauf demandes particulières justifiées par les effets de l’inégalité des rapports sociaux de sexe (non-mixité de protection, accommodements raisonnables, action positive, etc.), que des alternatives devraient être favorisées hors des seules socialisations, actuellement familiales et/ou privées, pour/par celles et ceux qui le souhaiteraient…



Quelques éléments abordés dans les textes.



Modification des « régimes de genre » en Allemagne et en Suisse, les angles morts d’analyse n’intégrant pas le travail domestique, la distribution sexuée des rôles sociaux, la protection de la famille favorisée plutôt que la protection des individu·es, les discours néolibéraux sur l’« activation » des femmes sur le marché du travail, les régimes fiscaux non individualisés, le poids du temps partiel et des emplois « féminins », les structures de garde extra-familiaux, l’égalité de droit et l’égalité de fait, la notion de « libre-choix », « la valorisation des tâches de carese maintient dans la grammaire des rapports de genre marquée par le maternalisme »…



L’interférence entre les politiques de la petite enfance et les politiques migratoires, « Les recherches effectuées sur la chaîne du careen Europe révèlent, outre le caractère éminemment oppressif de ce travail, en quoi les dispositifs juridiques et migratoires fragilisent ces femmes sans statut de citoyenneté, dont le seul débouché est le secteur informel, sous-payé et dévalorisé, du travail domestique », la restructuration internationale de l’économie et du marché du travail, les nouveaux schémas d’inclusion et d’exclusion, la marchandisation des systèmes de garde des enfants, les itinéraires de migration, les déclassements sociaux et les conditions d’emploi, les protections des salarié·es et leur non-application dans les espaces domestiques, « La définition des normes de travail est beaucoup plus floue que dans d’autres secteurs d’emploi », une association de représentation collective des employé·es de maison, les assignations sexuées et les « devoirs de mère », la différence entre « être de la famille ou dans la famille », la dévaluation et l’invisibilité des travaux fait dans la sphère du privé…



Les anciens pays du « socialisme réellement existant », les concepts sexués de « maternalisme » et de « familialisme », l’absence de droits politiques, l’activité professionnelle, les conditions des allocations familiales, les programmes « s’adressant aux femmes en tant que mère », les évolutions du droit à l’avortement, la sacralisation de la famille, le double fardeau imposé aux femmes…



J’ai particulièrement apprécié l’article de Jacqueline Heinen : Les politiques familiales en Europe de l’Est : d’une époque à l’autre. Les similitudes au delà des options économico-politiques, la « rhétorique nationaliste incitant les femmes à conférer la priorité à leur rôle de mères », la soumission de l’individu·e « à l’Etat paternaliste omnipotent », les contradictions entre statut individuel et poids conféré à la famille, les replis sur l’univers familial, le rejet de l’« égalitarisme » et les souvenirs fantasmés de la « sécurité », la réduction des dépenses publiques et l’abaissement du montant global des allocations, les mesures pro-natalistes, la limitation voire l’interdiction du droit à l’avortement, la féminisation de la pauvreté, la montée des violences dans l’espace domestique et l’extension de la prostitution, l’extension de la sphère commerciale lucrative, la marginalisation des femmes sur le plan économique et politique…



Les politiques reproductives et la condition des femmes en Chine et au Vietnam, le contrôle de la croissance de la population, les mesures incitatives et répressives, les effets ambivalents de la libéralisation économique sur le statut des femmes, l’adoption du concept de « droits en matière de sexualité et de reproduction » comme partie intégrante des droits des êtres humains, les discriminations envers les filles, les avortements sélectifs des fœtus féminins, l’instruction comme facteur d’émancipation, les inégalités d’accès à l’emploi…



Le Brésil, le Programme Bourse Famille, « il consiste en des aides monétaires spécifiques attribuées aux groupes les plus démunis de la population ; l’autre étant la politique générale de la petite enfance qui donne aux enfants de moins de six ans accès à des crèches et à des maternelles », l’augmentation de la part des femmes sur la marché du travail, le non partage du travail domestique, la précarisation de l’emploi, l’« altruisme » maternel des femmes et le renforcement des visions maternalistes, les politiques axées sur la lutte contre la pauvreté et les mesures qui ne favorisent pas l’émancipation des participantes…




Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          10
Genre et rapports sociaux de sexe

Une synthèse réflexive sur les concepts ayant émergé grâce aux féministes, à partir d’une théorie des rapports sociaux élargie.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
Commenter  J’apprécie          10
Genre et Rapports Sociaux de Sexe

Un compte rendu détaillé est disponible sur le site de la Revue internationale Enfances Familles Générations : https://journals.openedition.org/efg/1079
Lien : https://journals.openedition..
Commenter  J’apprécie          00
Résistances et émancipations des femmes du Sud

Résister à la marchandisation, repousser les limites de l’imaginaire, (se) construire des espaces d’autonomie




Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          00
Précarités : contraintes et résistances

« Le processus de précarisation qui constitue l’objet de cet ouvrage collectif a des causes, qui sont désormais assez bien connues. Il s’agit principalement de l’offensive concertée et déterminée des milieux d’affaires notamment financiers, mais pas seulement – pour s’arroger une part de plus en plus forte de la richesse produite en commun. Le remplacement des travailleurs directs par des machines et des robots, les délocalisations, la mondialisation des échanges sont quelques-unes de ses composantes. Nous nous intéresserons ici surtout aux conséquences de ce processus de précarisation dans la sphère de l’emploi (première partie), mais aussi dans la vie quotidienne des ménages et des individus (deuxième partie), et aux résistances qu’il rencontre (troisième partie) ».







Sommaire :

Introduction générale : Un processus de précarisation généralisée ? (Daniel Bertaux, Catherine Delcroix et Roland Pfefferkorn)

Première partie : Précarité professionnelle

Introduction générale : L’apparente nouveauté d’un phénomène complexe et multiforme ( Roland Pfefferkorn)

Le statut de travailleur précaire assisté : un effet de cycle ? Retour sur la définition simmelienne de la pauvreté (Serge Paugam)

Précarité : une histoire vue du côté syndical et militant (Patrick Cingolani)

Précarité transitoire et avenir de classe : le moratoire et la galère .(Rémy Caveng)

Parcours précaires aéroportuaires. Modèles de représentation du travail précaire (Louis-Marie Barnier)

Deuxième partie : Précarité des modes de vie

Introduction. Ménages et individus en équilibre précaire (Daniel Bertaux)

Le ménage de salariés comme micro-système aux équilibres plus ou moins précaires. Le modèle de la marguerite (Daniel Bertaux)

Horaires atypiques de travail et équilibres familiaux : conflits, médiations et résistances à la précarité (Nicolas Amadio et Élisa Guiraud-Terrier)

Vulnérabilité et inquiétude (Myriam Klinger)

Troisième partie : Précarités et résistances

Introduction. Formes de mobilisation de ressources subjectives contre la précarité (Catherine Delcroix)

« Moi je n’aime pas rester au chômage ». La variation au cours de la vie du degré d’activité face à la précarité (Catherine Delcroix)

L’engagement en formation de demandeurs d’emploi. Au carrefour de dynamiques conflictuelles (Cédric Frétigné)

De la vie au présent. Les logiques d’affirmation de soi des personnes sans abri (Claudia Girola)

Mobilité sociale et socialisation politique des descendants de migrants. Quand la migration des parents est une ressource pour les enfants (Elsa Lagier)

Postface. Deux entretiens avec Robert Castel : « La précarité est devenue un état permanent » (novembre 2009 et février 2013)



Dans leur introduction générale, Daniel Bertaux, Catherine Delcroix et Roland Pfefferkorn présentent les processus de précarisation du rapport à l’emploi. Les auteur-e-s appellent précarité « un état intermédiaire entre intégration et exclusion ou désaffiliation ». Elle et ils citent Alain Bihr « la précarité gît au cœur du rapport salarial ». En effet la précarité ne peut, non seulement pas être considérée comme extérieure au rapport salarial, mais historiquement elle fut et demeure « la question ouvrière par excellence ». Le chômage et la précarité salariale sont des phénomènes socio-économiques générés et entretenus par le mode de production capitaliste.



Les auteur-e-s présentent aussi les différentes parties du livres. La précarité est aussi celle des modes de vie. Elle et ils montrent que les comparaisons internationales doivent prendre en compte les différents droits sociaux, le contexte sociétal, le degré de développement de « l’État social », etc. Daniel Bertaux, Catherine Delcroix et Roland Pfefferkorn soulignent aussi les facteurs locaux, familiaux, interpersonnels et individuels, les dimensions subjectives, et les résistances aux processus de précarisation.



Par les différents champs étudiés, les exemples donnés, le livre offre de multiples regards sur des aspects souvent négligés. Compte tenu de la richesse de l’ouvrage, je ne saurai présenter l’ensemble des analyses. Je me contente donc de souligner, subjectivement, quelques points de certains textes



Serge Paugam parle de « l’interpénétration croissante de l’assistance et de l’emploi précaire », la gestion socio-économique de la « flexibilité » et la gestion publique du chômage, de institutionnalisation d’un sous-salariat, d’emplois dégradants. « Ce brouillage entre le travail et l’assistance participe de ce processus de recomposition des statuts sociaux au bas de la hiérarchie sociale ».



Pierre Cingolani interroge les notions de travail précaire et de précarité de l’emploi, d’emploi hors statut et de travail mobile. Il revient sur le Mouvement des chômeurs, Agir contre le Chômage (AC !), les intermittent-e-s du spectacle, la « sécurité sociale professionnelle », le mouvement des sans-papier-e-s et la « délocalisation sur place » et l’infra-légalité…



Louis-Marie Barnier analyse les emplois précarisés dans l’aéroportuaire, les salarié-e-s précaires stabilisé-e-s, « les salariés rencontrés ont l’impression d’être en transition entre ces deux catégories de la stabilité et de la précarité, dans une insertion de longue, de très longue durée, une précarité stabilisée », l’invisibilisation de certains groupes, la différence entre travailleurs/travailleuses précaires et travailleurs/travailleuses supplétifs/ives, l’hypocrisie sociale dans le non comptage de ces salarié-e-s. J’ai particulièrement été intéressé par ses analyses de la (re)configuration professionnelle aéroportuaire, du travail sous contrôle, des normes ou de la réglementation du travail, « C’est finalement l’activité procédurale, et le contrôle du geste individuel qu’elle implique, qui sont au centre de ce nouveau modèle ».



Daniel Bertaux rappelle que la précarisation n’est pas un « processus sans sujet », que les prestations dites sociales correspondent à des droits. Il discute de l’employabilité (voir sur ce sujet le récent ouvrage de Louis-Marie Barnier, Jean-Marie Canu, Francis Vergne : La fabrique de l’employabilité. Quelle alternative à la formation professionnelle néolibérale ?, Institut de Recherche de la FSU- Editions Syllepse) et propose un modèle de compréhension intégrant six domaines de l’existence quotidienne.

Nicolas Amadio et Élisa Guiraud-Terrier insistent sur les conséquences des horaires atypiques (dont les modes de garde des enfants, la disqualification de parents, etc.). Elle et il soulignent les résistances sous forme de « modes de garde informels » et sur la nécessité de service d’accueil de la petite enfance, « Pour ne pas faire reposer la précarité des uns sur celle des autres (les employés de la petite enfance), la nécessité apparaît clairement de professionnaliser ces derniers avec une meilleure rémunération, et de dynamiser les réseaux sociaux ». J’ajoute que les solutions passent par une réduction radicale du temps de travail pour toutes et tous, le strict encadrement des horaires atypiques à certains secteurs, comme les hôpitaux, la création de lieux d’accueil des petit-e-s enfants dans ces lieux de travail et plus généralement dans les quartiers d’habitation avec du personnel qualifié et mixte.



Myriam Klinger introduit les notions d’inquiétude, de vulnérabilité, dont celles liées à l’âge, de déni de reconnaissance, de perte de confiance. Elle analyse particulièrement « les négociations identitaires et processus de socialisation » dans la question du logement en résidence sociale, « Les déplier permet de faire apparaître les ajustements biographiques des narrateurs et leurs manières de donner sens aux bouleversements de la vie et aux inquiétudes de ce dernier tournant du parcours de vie ».



« Nous prenons ici « résistances » dans le sens le plus large : chercher des façons de faire qui, même dans la situation la plus désespérée, permettent de ne pas se soumettre entièrement, de garder sa dignité, de conserver une lueur d’espoir, c’est déjà résister ». Catherine Delcroix analyses les « formes de mobilisation de ressources subjectives », les possibles parcours d’activité. Elle rappelle les droits liés aux cotisations sociales, interroge la « construction de soi et lien social » dans les récits de vie… Le titre de cette note est extraite d’un de ses textes.



Claudia Girola souligne que les personnes sans abri sont « catégorisées politico-administrativement comme sans domicile fixe (SDF) ». J’ai notamment apprécié ses développement sur les routines, les souvenirs déracinés, la reconstruction du « bon vieux temps ».



Elsa Lagier traite de mobilité sociale, de socialisation politique des enfants de migrant-e-s. Elle parle, ce qui est plutôt rare, des ressources tirées de la migration des parent-e-s.



Un ouvrage qui fait suite à la publication d’un dossier « Migrations, racismes et résistances » dans le n° 133 de janvier-février 2011 de Migrations Société.
Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          00
Genre et rapports sociaux de sexe

Une synthèse réflexive sur les concepts ayant émergé grâce aux féministes, à partir d’une théorie des rapports sociaux élargie.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Roland Pfefferkorn (31)Voir plus

Quiz Voir plus

Comics : Les héros de Marvel

Elle peut se dématérialiser, et ainsi traverser les objets solides, les murs, les plafonds ... Il s'agit bien sûr de ...

Kate Winslet
Kitty Pryde
Hello Kitty
Katy Perry

10 questions
243 lecteurs ont répondu
Thèmes : comics , super-hérosCréer un quiz sur cet auteur

{* *}