AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Julitlesmots


Au départ tu ne cherchais aucune sensualité, tu ne comprenais même pas qu’il puisse y en avoir dans ce corps lambda. C’était devenu une habitude, un rituel du soir. Tu t’asseyais, t’allongeais, cambrais le dos pour mieux voir sous tous les angles, tournais sur toi-même et redécouvrais l’espace de ta chambre, où des objets traînaient : un peignoir, une jupe, des dossiers, de la poussière. La sourdine d’enfance laissait place aux regards étrangers qui t’accompagnaient jusque dans la solitude de cette pièce adolescente. Tu trouvais belle cette figure figée à travers l’écran du téléphone. Certaines parties de toi étaient attirantes, tu le pensais. Immobile, le téléphone dans tes mains, tu passais de longues minutes à examiner les photos une par une, un petit sourire aux lèvres. Tu ne les regardais pas comme tu te serais regardée, mais comme si tu observais une femme dans la rue, comme si toi aussi tu étais devenue l’un de ces hommes qui se retourne sur ton passage, la tête penchée pour mieux voir. Tes poses variaient : l’homme assis en terrasse d’un café n’avait pas la même vue que celui assis sur les marches d’un immeuble, ni celui de l’épicier ou du garde d’une administration quelconque. La frontière entre ces hommes et toi se brouillait à mesure que les photos s’accumulaient, que les jours passaient. Tu étais à la fois toi et un autre. Toi au moment des photos, un autre quand tu les observais. Tu pensais saisir quelque chose, tu pensais mieux comprendre ce que tu représentais, l’objet que tu devenais. Tes yeux étaient leurs yeux ; leurs mains, tes mains. Tu touchais ton bras, ton épaule, ta main se serrait autour du cou, puis le thorax entre les seins, le haut du ventre, l’aine. L’objectif du téléphone tenait en équilibre approximatif, entre deux livres, contre un abat-jour, posé face au mur. Tu mettais le minuteur, tu revenais à ta place, tu comptais en silence les secondes qui te séparaient du cliché immortalisé. Cinq, quatre, trois, deux, un…
Commenter  J’apprécie          100





Ont apprécié cette citation (8)voir plus




{* *}