AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de SergeTailler


Mes parents : Marie Christine et Philippe.
Que puis-je dire à propos de Marie Christine ? Marie Christine, ma Maman.
J’ai envie de la décrire. Physiquement, je lui ressemble : nous avons le même regard et les mêmes mains.
Marie Christine est la plus jolie des filles Duvivier. Lorsqu’elle est jeune, elle ressemble, paraît-il à Jackie Kennedy. J’ai tendance à le croire.
Lors d’un repas récent entre cousins, une de mes cousines dit à maman qu’elle n’a plus vue depuis 30 ans « Le souvenir que j’ai de toi est que tu étais la plus belle femme du monde »
Marie Christine assume seule l’éducation de ses enfants. Philippe est un père totalement démissionnaire. Même la très symbolique pension alimentaire est toujours versée avec beaucoup de retard pour au final ne plus être honorée. Papa ne procède à aucun suivi scolaire, médical ou autre.
Malgré ses mariages difficiles, Marie Christine assume en nouant le plus souvent très difficilement les deux bouts.
Avec nous, elle est bienveillante tout en restant exigeante voire assez autoritaire. Notre réussite scolaire est essentielle à ses yeux. Je me souviens de mes premières années d’humanités. Mon frère est en pension. Elle me fait des fiches de lecture et rédige le premier jet de mes dissertations pour m’aiguiller. Elle est présente et toujours disposée à me consacrer du temps.
J’en ai d’ailleurs vraisemblablement abusé. Je ne pense pas avoir lu tous les livres imposés par mes professeurs de français. Les trames des dissertations qu’elle me fournit, je ne les complète que très rarement. Elle s’en rend parfois compte et me somme alors de m’y mettre sous peine de ne jamais pouvoir rédiger seul.
Maman marque tout mon entourage pendant mon adolescence et ce, jusqu’à la fin de mes études.
Je me souviens de la délibération et proclamation des résultats qui boucle mon premier cycle d’études supérieures. Maman me demande le weekend précédant l’horaire et le lieu. Je lui réponds de manière détachée, n’étant pas sûr d’y assister. Les examens sont terminés et je suis en roue libre. Elle travaille comme déléguée médicale et parcourt chaque jour de nombreux kilomètres. Peut-être a-t-elle des rendez-vous professionnels ce jour-là. Mais elle est à l’heure et assiste à la cérémonie. Elle est ponctuelle au rendez-vous et assiste à la proclamation de ma grande distinction et je lis dans ses yeux ce jour-là une immense fierté. Après la délibération, j’ai le projet de retourner à mon kot et de faire la fête. Elle m’invite à rentrer à la maison et à célébrer ma réussite au restaurant en sa compagnie. Il m’est difficile de décliner son invitation. Avant de nous rendre au restaurant, elle fait un petit crochet par la maison.
Mes grands-parents et ma tante sont au courant avant que nous n’allions diner en tête à tête.
Alors que j’ai déjà un peu tourné la page étudiante, Maman revient sur mes résultats. Elle est fière, émue et souriante.
Je suis loin de m’imaginer qu’elle doit probablement avoir en tête sa période de Louvain et qu’elle a dû être soulagée et fière d’annoncer à ses parents la réussite de son fils.
Philippe est le parfait opposé de Marie Christine.
Elle est le Ying, il est le Yang.
Philippe cherche à se faire aimer. Son côté charmeur et beau parleur émouvra d’ailleurs mes petites copines lorsque je suis adolescent. Charmer sera le mot d’ordre de sa vie.
Quand Marie Christine évoque leur rencontre et leur mariage, elle parle d’un dandy qui attachait beaucoup d’importance à l’élégance. Il ne s’habille que chez des couturiers de renom, ne met que des chaussures de qualité et ne fréquente que des restaurants tenant le haut du pavé.
Un homme précieux et exigeant. Telle est la plus importante facette de la personnalité de mon père.
Ma compagne ne l’a pas connu. Nous avons pas mal de choses en commun, me rappelle-t-elle régulièrement.

J’ai le souvenir d’un homme constamment imbibé et méprisant. J’ai toujours pensé qu’il dissimulait derrière son humour british un mépris des autres. Ses traits d’esprit se faisaient toujours au détriment d’autrui.
Il ne se soucia pas de ce que nous faisions même s’il se disait très fier de ses deux enfants. Je me souviens d’une scène lors d’une de nos dernières rencontres.
Nous sommes dans un café proche de chez ses parents. Je viens de terminer quatre ans d’études supérieures durant lesquelles il ne se manifeste qu’à de rares occasions. Il apprend ma réussite la veille et m’en félicite. Il me propose de venir le chercher chez mes grands-parents pour un dîner en ville. Lorsque j’arrive, il n’est pas au rendez-vous. Je le cherche dans la maison de mes grand parents, les interroge mais ne le trouve pas. Je le retrouve au café du coin. Papa n’a pu attendre et a anticipé les festivités avec les soulards du coin ; il a raconté une fable de son invention.
Il est fier de son fils diplômé. Ces études, il prétend les avoir monitorées et financées. C’est sa réussite à l’entendre. Je ne suis pas étonné et m’amuse à rentrer dans son jeu. Je partage quelques bières avec lui et l’écoute pérorer. Ses amis sont quelque peu étonnés. Ils ne m’ont plus vu depuis des années et Papa n’a pas dû leur parler régulièrement de moi.
Je rentre alors dans son jeu. Je lui pose la question qui fait mouche.
« Papa, il est maintenant temps pour moi de te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi ces dernières années. Sans toi, je n’y serais pas arrivé .Au fait, pourrais-tu me dire ce que j’ai entrepris comme études ? Combien de temps et dans quelle institution ? »
Il est scotché et blêmit. Il balbutie. Il pense que j’ai étudié les langues étrangères à Mons.
Je l’interroge, dans la foulée, sur les raisons pour lesquelles il ne versa pas un centime de pension alimentaire durant ces quatre années.
Selon lui, l’obligation de pension alimentaire s’éteignait avec les études supérieures. Depuis mon entrée aux études, il ne s’est plus senti obligé de contribuer à mon entretien.
En l’espace de 4 ans, il me remettra deux ou trois fois un chèque représentant la pension alimentaire. Il me fera remarquer, grand seigneur qu’il m’octroye aussi la part destinée à mon frère. Ces quelques chèques étaient, par ailleurs, en bois.
Avant de quitter le café, je le remercie, devant les piliers de comptoir de l’assemblée, pour sa générosité, sa bienveillance et pour l’équivalent de deux mois de pension alimentaire perçus en l’espace de 4 ans. Je lui confirme, dans la foulée, lui devoir en partie ma réussite.
Durant ces quatre années, j’ai, en effet, appris à ne pas dépendre de lui de quelque manière que ce soit. Et ce fut un fameux moteur de motivation. J’ajoute avec l’ironie
blessante qu’il affectionne tant : « la réussite fut assez facile, Papa. Tu avais mis la barre tellement bas qu’il me fut aisé de faire mieux »
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}