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Citation de SergeTailler


Il est un peu plus de quatre heures cette nuit-là lorsque Jean Claude secoue Belvédère pour l’extirper de son petit lit tandis que Christiane et Gérard sont encore larvés dans leur sommeil.
Après un petit-déjeuner sommaire et pris à la hâte, les deux quittent le foyer familial au milieu de la nuit noire pour se diriger vers le puits numéro 24 auquel le père est assigné depuis plus de dix ans.
Belvédère est admis à l’essai pour quelques semaines grâce à l’intervention de son père mais aussi de celle de Marijke. Jean-Claude se porte garant de son jeune fils tandis que, de son côté, Marijke ne déroge pas à ses habitudes et pioche dans la caisse de son mari pour corrompre le contremaître.
Si la période d’essai n’est pas probante, le jeune stagiaire devra alors déloger le puits et se dégoter une autre situation.
Le cadet des Boursin n’éprouve ni joie ni appréhension à la perspective de descendre au fond de la mine. Il est bien conscient que les journées passées dans les entrailles du 24 risquent d’être plus éprouvantes que celles passées à l’école mais peuvent aussi s’avérer tellement plus distrayantes que les longues et rébarbatives heures qu’il a parfois pu passer sur les bancs de son ancien établissement scolaire.
Belvédère est plus frêle et moins robuste que son frère mais néanmoins pourvu d’une bonne condition physique. La rudesse du quotidien ne l’effraye pas outre mesure et la perspective d’apprendre enfin quelque chose éveille sa curiosité.
Les premières heures passées au fond du 24 sollicitent chez lui une émulation inattendue et salvatrice. Son petit gabarit couplé à son tempérament intrépide lui permet d’accomplir des tâches hors de portée des adultes, en accédant à des failles jusque-là inexplorées. En quelques heures, Belvédère se mue en petit héros qui suscite la sympathie des collègues de son père. Le cadet Boursin est le seul piocheur en bas âge, hormis une jeune fille à peine plus âgée que lui, prénommée Josy.
Josy fait sa première descente dans la cuvette environ six mois plus tôt. Elle est l’unique mouflette d’une famille abonnée à la mine depuis trois générations. Elle n’a jamais mis les pieds à l’école et s’est imprégnée de quelques rudiments scolaires à distance en aidant Malou, sa pauvre Maman, illettrée et grabataire.
Cela fait des années que la petite Josy assiste ses parents qui cumulent déboires financiers et problèmes de santé.
Le vocabulaire de Josy est celui du néolithique et son élocution est à couper à la hache mais la galopine n’est ni vilaine ni repoussante.
Ses yeux, d’un bleu étincelant, mettent son visage en lumière et masquent maigreur et pâleur maladives.
Dès la première entrevue, Belvédère ressent une irrépressible attirance pour la petite Josy et ni son terrible accent ou encore son vocabulaire primitif n’enraye l’élan du garçonnet.
Belvédère lui propose son amitié mais la petite carolo lui répond sans détour qu’il doit d’abord faire ses preuves. Elle lui explique avec un accent abominable et quelques mots ramassés à la hâte qu’elle n’a pas pour habitude de frayer avec le premier venu et que Belvédère doit l’impressionner s’il veut obtenir son amitié ….et ponctue ses propos par un « et plus si affinités ».
L’intégration de Belvédère au sein de sa nouvelle communauté est instantanée et après quelques jours, il s’exprime déjà dans le même jargon que Jean-Claude et ses camarades. Il adopte les usages, profère les mêmes insultes et se divertit de la même manière que les adultes.
Deux semaines après la descente initiale, Jean-Claude et son fils regagnent le domicile familial revêtus de leur bleu de travail, maculé de houille et de boue. Le père est fier de son fils comme si celui-ci venait d’être proclamé Prix Nobel de Littérature.
Arrivés au coin de la rue, ils aperçoivent Gérard qui descend du bus affublé d’un uniforme droit et amidonné de jeune aspirant policier.
Belvédère est hilare lorsqu’il aperçoit son frère, attifé de son uniforme parfait qui fait reluire sa première étoile. Sa jubilation est contagieuse car Jean Claude ne peut pas non plus se retenir en voyant son aîné parader en rue dans son accoutrement disgracieux.
En les voyant tous les trois remonter la chaussée, il est difficile pour tout observateur extérieur d’imaginer qu’ils appartiennent à la même famille et vivent sous le même toit.
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