Un pas dans l’enquête, un pas dans la romance, et quelques étincelles de propagande défensive : Lynn et Sheila, nées dans les années 1935-1940, mènent une étude sur le phénomène psi en URSS dans le cadre de leur voyage en Union soviétique, en Bulgarie et en Tchécoslovaquie en pleine Guerre Froide.
Là-bas, elles y auraient rencontré Edward Naumov, grand spécialiste soviétique de parapsychologie, et Karl Nikolaiev, premier télépathe certifié de la région. La suite de leur enquête retranscrit-elle leurs échanges avec ces deux énergumènes psychotroniques ou s’inscrit-elle dans le prolongement d’un voyage improvisé au fil des réquisits de l’étude du phénomène ? Je me suis souvent demandée si les dialogues étaient inventés ou s’ils reportaient de véritables échanges. Sans doute l’un et l’autre à la fois.
Au menu des personnages évoqués, nous trouvons Neyla Mikhailova (télékinésiste), Wolf Messing (télépathe), Vanga Dimitrova (chercheuse de disparus et annonciatrice de mort), Milan Ryzl (fabriquant de médiums) ou Karl Otto Zeeling (guérisseur). Les thèmes abordés sont aussi nombreux et divers que la parapsychologie n’a jamais eu de nette démarcation définitionnelle : accroissement de la capacité d’apprentissage (plus besoin de suer sang et eau pour apprendre le latin), libération du potentiel latent de la conscience, développement des capacités de télépathie des animaux, extra-terrestres, contrôle des naissances par l’astrologie (alors qu’il suffisait d’inventer la bioéthique), réincarnation artificielle, aura, effet Kirlian, prémonitions, liens entre forme et énergie... Nous ne serons pas dépaysés : tous ces thèmes exsudent le fantasme d’une libération du potentiel de l’homme par l’explosion des limites sans lesquelles, pourtant, toutes les saveurs de la vie perdent leur intensité.
Par la présentation des formidables recherches parapsychologiques que l’URSS mènerait en secret de l’Occident, Lynn et Sheila cherchent surtout à nourrir la paranoïa des occidentaux en pleine Guerre Froide.
« Un Américain qui a pu s’entretenir avec des équipes de parapsychologues soviétiques dit qu’ils envisagent d’utiliser les capacités de leurs meilleurs télépathes à des fins politiques, un peu comme les Egyptiens allaient consulter les devins ou les Grecs la pythonisse. Ils serviraient d’auxiliaires aux services de renseignement. »
« Le gouvernement soviétique accorde plus de 20 millions de roubles par an à la recherche parapsychologique alors qu’il n’existe aucun poste spécial au budget américain. »
Selon les auteures, ce ne sont pas les recherches parapsychologiques en elles-mêmes qui devraient susciter notre crainte : c’est plutôt qu’à l’époque de la publication de ce livre, les occidentaux craignaient de se faire dépasser par l’URSS en ce domaine. Depuis, l’URSS a chu et l’Occident a poursuivi le délire parapsychologique sous des formes scientifiquement valides qui portent le nom de transhumanisme, de progrès scientifique, de puçage, de reconnaissance faciale ou de psychologie transpersonnelle. L’occultisme de la pire engeance tente toujours d’avoir l’air naturel.
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