Sophie Hüe

Je suis petit, et je l’écoute
La voix qui me dit de prier,
Que Dieu m’aime, que Dieu sans doute
D’en haut me voit m’agenouiller.
Je prie , et le Seigneur, j’espère,
Puisqu’il me sourit et m’entend,
Me gardera toujours ma mère
Et lui laissera son enfant.

Donnez des mains, du cœur ! Que son œil s’illumine,
Qu’il n’ait plus faim ni froid le pauvre abandonné ;
Et lui, vous apprenant la charité divine,
Vous rendra plus encor que vous n’aurez donné.

XXI
LES PLEURS DE JULIETTE
L’enfant qui pleure, le coeur gros,
S’enlaidit beaucoup d’ordinaire ;
Les yeux rouges ne sont pas beaux :
Pleurs de dépit, pleurs de colère,
C’est bien à qui s’en moquera.
Pourtant un jour Juliette pleura,
Cachant sa tête sous sa mante,
Et n’en parut que plus charmante
A quelqu’un qui s’y connaît bien :
C’était son Ange gardien.
Lui-même il eût voulu consoler la fillette.
Pourquoi donc pleurait Juliette,
Qui courait si gaîment encor
L’instant d’auparavant parmi l’herbe aux fleurs d’or,
En cueillant un bouquet pour sa chère poupée ?
Etait-ce de lui voir une jambe coupée
Et la tête de moins, ô désastre complet !
C’est qu’on allait punir son frère,
Auteur de cet affreux méfait ;
Et que la douce enfant, en embrassant sa mère,
Et priant de son mieux pour le jeune démon
Qu’elle aurait dû maudire,
N’avait pu du méchant obtenir le pardon !

C’est joli de sourire,
Mais c’est beau d’être bon.