Le personnage titre, qui est le personnage principal du roman, est un habitant de Dantzig d’origine allemande (enfin d’autres origines s’ajoutent à sa généalogie). Le livre débute dans les années 30 du XXe siècle, et se poursuit une dizaine d’années après le fin de la deuxième guerre mondiale. Il débute par la mort de la fiancée d’Hanemann, dont on ne saura jamais avec précision la raison (accident, suicide, meurtre), qui provoque l’abandon par ce dernier de ses fonctions de professeur d’anatomie à l’Académie de médecine. La deuxième guerre mondiale est surtout vue sous l’angle de la fuite de la population d’origine allemande. Hanemann, un peu par hasard n’arrive pas à fuir, puis ne le souhaite plus, et continue à vivre dans la ville devenue Gdańsk, se retirant en quelque sorte du monde, dans ses livres, souvenirs, observations d’objets quotidiens, jusqu’à ce qu’il choisissent finalement de retourner aux aspirations d’une vie en mouvement.
J’ai beaucoup de mal à rendre compte de ce livre, et de ce qui fait son charme et sa force. Il a un côté impressionniste, dans le sens où les événements et les personnages sont laissés dans un certain flou volontaire. Nous ne saurons jamais vraiment comment est morte la fiancée d’Hanemann, alors que l’événement est évoqué à des nombreuses reprises, et parfois avec des descriptions très précises et réalistes, par exemple par quelqu’un qui aurait du prendre le bateau lors du voyage où elle est morte, et qui y a renoncé au dernier moment. De même nous ne saurons pas d’où vient Hanka, ce qu’elle a vécu et ce qui la pousse à sa tentative de suicide. Les personnages se situent entre des gros plans, où ils sont décrits minutieusement dans des gestes quotidiens, et ce flou sur des points qui semblent essentiels souvent dans les romans. Au lecteur de combler les vides à sa façon. Cela dit, je n’ai jamais ressenti cela comme une facilité, mais plutôt une façon de concevoir les personnages comme archétypaux, au-delà d’être un tel ou un tel, de représenter un certain type, voir n’importe quel individu humain, qui aurait pu se trouver dans ce type de situations. Très tangibles, et presque abstraits à la fois.
Le livre est aussi un roman historique, qui évoque la montée du nazisme, les mouvements de population après la seconde guerre mondiale, le communisme. Mais là aussi un peu comme à l’arrière plan, quelques scènes ou allusions, qui ne constituent pas la part la plus longue du livre. Et là aussi par moments, cela semble volontaire, légèrement stylisé, parce que ce que ce qui s’est produit à un moment donné à un lieu, a déjà eu lieu, ou aura lieu ailleurs plus tard, des constantes existent dans le comportement humain.
Enfin, l’auteur semble vouloir ouvrir encore la perspective, en introduisant d’autres questionnements dans son roman. La question du suicide revient à plusieurs reprises, aussi bien chez les personnages du roman (la fiancée d’Hanemann, Hanka) que des personnes d’écrivains : von Kleist, Witkiewicz. L’un de personnages du roman dit à un moment « la question n’est pas de savoir pourquoi on se suicide, mais pourquoi on choisit de ne pas le faire ». Et quelque part, le livre traite justement de ce questionnement là, pourquoi choisir de vivre, alors que le monde peut sembler si désespérant. Sans donner de réponse définitive, juste des pistes de réflexion.
C’est merveilleusement écrit, il y a des descriptions de lieux, de moments, d’objets, qui en deviennent plus réels par moments que les personnes. C’est empreint de nostalgie, de mélancolie, mais aussi de quelque chose de l’ordre d’une envie de vivre, d’une douceur sans sentimentalité.
Un livre très riche malgré qu’il ne soit pas long, complexe et qui m’a beaucoup touché.
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