De Stéphanie Gicquel nous ne connaissions que peu de choses. Peut-être que certains avaient eu vent de son incroyable épopée dans l'immensité glacée de l'Antarctique. Car ce petit bout de femme fait partie de la poignée d'explorateurs à avoir foulé à la fois le pôle Nord et le pôle Sud géographiques. Et lorsqu'elle relève le défi de traverser l'Antarctique via le pôle Sud sur 2045 kilomètres en 74 jours et par -50 °C, le Guinness des Records se devait de relater cet exploit hors du commun.
Pourtant, rien ne prédisposait Stéphanie Gicquel à se lancer dans pareilles aventures. Née dans une banlieue toulousaine et excellente élève, elle décide de poursuivre ses études à Paris, sur les bancs d'une prépa et d'une Grande Ecole. Travailleuse acharnée, ne consacrant que trop peu de temps au sommeil et à la vie culturelle et sociale, elle gravit tous les barreaux pour devenir avocate dans un cabinet international sur les Champs-Elysées. Mais toutes les années passées à étudier sans relâche, les moments de doute et de stress finissent par avoir raison d'elle. Alors, lentement et consciencieusement, elle se met à creuser dans son intimité même pour entrevoir chacune des strates, chacun des changements, chacune des blessures qui l'ont façonnée. Retrouver ainsi cette énergie qui ne l'a jamais trahie pour enfin se laisser envahir par le désir irrépressible de suivre un chemin en dehors des routes tracées. Une envie d'ailleurs, comme vissée au corps. Un point de non-retour qui lui fera définitivement tourner le dos à sa carrière prometteuse.
"Face au changement, nous avons tous le choix de faire le premier pas ou de rester sur place. Le premier pas, c'est la décision d'y aller, de s'engager vers autre chose. Moment crucial où quelques-uns se lancent et beaucoup renoncent. Le point de départ est pourtant le même pour tous, quelque soit le changement projeté. Une discussion avec soi-même, face à l'inconnu, le dos tourné à la norme, entre la peur et le doute, quatre murs d'une prison nommée immobilisme ou conformisme dont il n'est jamais simple de s'extraire."
Or, pour Stéphanie Gicquel, la norme nie la singularité de chaque individu tant elle voue une haine féroce au changement. De là à dire que cette norme est le plus grand frein au changement qui permettra à chacun de se révéler, il n'y a qu'un pas que l'exploratrice s'est délecté de franchir.
En Patagonie, loin de l'agitation du monde, Stéphanie Gicquel raconte avec poésie son parcours, son désir d'évasion, son besoin de sentir ce corps renaître, s'étirer, vibrer voire même souffrir à mesure que s'éloigne le brouhaha permanent de son esprit.
"Chaque foulée efface un peu plus les tourments bruyants de la ville, me projette en avant, me libère. Le corps se réveille et respire plus fort la vie lorsque j'accélère dans cette longue ligne droite qui s'étire à l'infini."
Quitter ce monde où tout va trop vite. Quitter ce linceul transparent, cette illusion de liberté lorsque nous sommes connectés, cette course effrénée du clic, ces deadlines, cette pression permanente de devoir terminer dans des délais intenables, ce diktat de perfection et de réussite, piétinant ainsi la magie de la pleine conscience du temps présent.
"Le temps à peine suspendu par un moment de plénitude finit par reprendre sa course folle avec ses impératifs […]. Dans un cycle infernal qui tourne en boucle sans cesse, qui nous fait oublier quelques jours de congé aussitôt le travail repris, qui nous fait quasiment penser aux fêtes de fin d'année dès la rentrée de septembre, et ainsi de suite."
Face à l'immensité aride de la Patagonie, Stéphanie Gicquel retrace l'étendue du chemin parcouru. Une recherche de son Moi, une ode à la vie et au temps qui passe. Au fil des chapitres, elle cherchera inlassablement à réveiller notre capacité d'émerveillement, notre curiosité, notre force intérieure pour accueillir le changement et dessiner notre propre route jalonnée d'aventures aux multiples facettes. L'énergie débordante de cette exploratrice est contagieuse et sa force intérieure est remarquable. J'ai vraiment aimé ces analyses de la vie, ses mantras inspirants glissés deci delà. Malgré tout, je me suis sentie perdue plus d'une fois. Les flashback se succèdent et s'emmêlent tant qu'il m'a semblé difficile de retisser la toile de ses souvenirs, perdant ainsi le fil des causes intrinsèques du changement. Ce manque de clarté dans le cheminement des souvenirs, ce saupoudrage d'anecdotes m'a profondément dérangée. J'aurais aimé plus de rigueur, de profondeur pour ne pas dériver lentement vers un énième livre sur le dépassement de soi ou le développement personnel. Malheureusement, cet écueil n'a pas été évité…
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