Sylvie Aubriot

Des chairs mortes, depuis ma naissance, j’en ai mangé, beaucoup, des tonnes sans doute. Il me faudrait faire un calcul, moi qui compte si bien comme on me dit souvent, puisque je suis une mathématicienne, et même si les mathématiques ne sont pas de la comptabilité, oui, j’ai dévoré des monceaux de morceaux de chairs mortes, cuites, grillées, bouillies, crues et salées, je me suis nourrie depuis des années de leurs protéines, du porc, du bœuf, du veau et du poulet, mais aussi de la pintade, du sanglier, de la dinde de Noël et du chevreau de Pâques en gelée, voire, des rillettes de chèvre. Mais encore de la chair morte de poissons congelés, et des grenouilles, de préférence les cuisses, des perdrix, des lapins et des pigeons, des coquillages, des crustacés, des anguilles, des lièvres. J’ai même ingéré un écureuil tué par mon père en voiture quand j’avais huit ans, écrasé plutôt, l’écureuil, je ne l’ai pas vu a dit papa, je ne l’ai pas fait exprès, et en voici une cuisse dans mon assiette, rôti par ma mère qui l’a cuisiné tout exprès pour nourrir son mari et ses enfants.